On connaît tous Hamlet, personnage éminemment central de la pièce éponyme du génial William Shakespeare. Si central qu’on en oublie les autres et en particulier une jeune fille… Et si Ophélie était aussi centrale mais d’une centralité occultée ? Occultée car femme ? Occultée car folle ? Mais Hamlet ne l’est pas moins, fol ! Occultée mais double symétrique d’Hamlet ? Pour Hamlet, la question est « être ou ne pas être ? » mais cela induit qu’au moins il est d’abord, il est de plein droit et s’interroge sur l’intérêt d’être en se réservant le droit de ne pas être. Pour Ophélie, ce serait l’inverse : « ne pas être ou être ? » car non seulement son rôle est mineur, mais en tant que femme, pire, en tant que fille de son père Polonius, son droit et son existence sont presque incertains. Ophélie commence par ne pas être, ne pas avoir le choix de son existence et pour elle la question est de savoir où et comment exister. Trouve-t-elle sa place dans le drame qui la dépasse ? Elle va préférer s’éclipser, mais se suicide-t-elle vraiment ? Mourant asphyxiée par noyade, elle nous dirait à quel point sa place est irrespirable. Certes, elle prend sa revanche en peinture et en poésie romantique, respectivement surreprésentée et hyper-présente dans ces deux arts…

« Ophélie hors champs » est une tentative de théâtre lyrique qui choisit justement de recentrer le chef d’œuvre de Shakespeare sur le personnage d’Ophélie, laissant hors champs Hamlet, sa famille et son grand drame. Celle qui était hors champs devient plein cadre et inversement.

Sarah Gerber, la metteuse en scène de L’opium du pouvoir (2016), a conçu et mis en scène cette focale Ophélie : « Pendant que se déroule hors-champs, les noces et intrigues de la famille royale, nous suivons Ophélie, son amour malmené, son discernement mis à mal, sa solitude, sa colère et la violence qui s’imprime au plus profond d’elle-même… Au départ, j’ai assemblé de façon tout à fait linéaire toutes les scènes de la pièce de Shakespeare et du livret de Thomas dans lesquelles Ophélie était présente. Cela a donné un canevas à trous, mystérieux et énigmatique. Puis en cherchant le sens à donner à cette histoire, j’ai choisi de m’attacher à la triangulaire « AMOUR-OPHÉLIE-MÈRE » en ne gardant que les scènes d’Ophélie avec Hamlet et Gertrude. Ceci en est le point de départ. L’amour, la mort et la mère. »

Une belle façon de créer à partir de ce qui existe déjà, sans recréer, en prenant le déjà-là comme une source intarissable d’inspirations et d’éclairages nouveaux.

Sarah Berger a travaillé à partir de la tragédie Hamlet de Shakespeare, de l’opéra Hamlet d’Ambroise Thomas (1811-1896) et autres matériaux. Direction musicale de Katia Weimann, arrangements de Leonardo Ortega. Scénographie & Costumes, Ninon Le Chevalier. Création sonore, Loïc Waridel. Création lumière, Jessica Maneveau. Créé en collaboration et interprété par Djamel Belghazi, Béatrice Nani, Flore Merlin, Floriane Derthe, Hélia Fassi, Claire Voisin, Amélie Potier.

Production Compagnie TDM. Coproduction et soutiens Raoule Production, Théâtre de Belleville, Opéra Grand Avignon, Opéra de Rouen Normandie, Théâtre l’Échangeur.

Jean-Pierre Haddad

L’Autre Scène, Avenue Pierre de Coubertin, 84270 Vedène.Samedi 22 mars à 20h00.

Informations et réservations : https://www.operagrandavignon.fr/ophelie-horschamps

Navette gratuite à partir de la Poste d’Avignon


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