Cette journée particulière, le 12 novembre 1791 est, pour le musicologue H.C. Robbins Landon, celle où le destin de Mozart aurait basculé. Il a imaginé ce 12 novembre comme la « dernière journée active » de Mozart avant qu’il ne s’alite et meure quelques jours plus tard.
L’année 1791 a été un tournant fatidique pour le musicien. En 1790 Léopold II accède au trône et il semble apprécier beaucoup moins Mozart que son père Joseph II, peut-être en raison des liens du musicien avec une franc-maçonnerie supposée être favorable aux idées de la Révolution Française. Mozart perd son poste de musicien de la Chambre impériale et le traitement afférent. Il perd aussi les faveurs de la noblesse en raison du procès pour dettes que lui a intenté le Prince Lichnowsky.
Épuisé par des années de surmenage et de soucis, malade, accablé par des dettes qu’il peine à rembourser, obligé de satisfaire les caprices d’une noblesse exigeante alors même que ses sentiments le portent vers la philosophie des Lumières et la franc-maçonnerie, Mozart meurt le 5 décembre 1791.
David Lescot, qui a déjà mis en scène deux opéras de Mozart, a adapté le récit de H.C. Robbins Landon en réécrivant les dialogues pour mieux dessiner les personnages qui accompagnent le chemin de croix de Mozart. Il l’a mis en scène en intégrant les personnages réels dans une sorte de bande dessinée vivante, réalisée par Sagar Forniés assisté de son collaborateur Jordi Gastó. Thomas Enhco, qui incarne Mozart, marche lentement dans les rues de Vienne, passant devant les palais et les églises qui défilent derrière lui. De gros flocons de neige tombent, s’évadant parfois de la bande dessinée pour entrer dans la salle, et blanchissant peu à peu les rues et les toits. Des corbeaux passent dans le ciel annonciateurs de la mort qui frappera bientôt.
La fondatrice et directrice musicale d’Insula orchestra qui est en résidence à La Seine musicale, Laurence Equilbey, s’est chargée de la partie musicale jouée sur des instruments anciens. En dehors d’une cantate de Bach et d’un extrait de la Symphonie n° 92 « Oxford » de Haydn, toute la partition musicale de la pièce est réservée à Mozart avec des extraits des adagios, des symphonies, d’opéras tels La clémence de Titus, La Finta giardiniera, Don Giovanni et surtout La flûte enchantée et enfin du Requiem.
Tentant de faire face à ses engagements, de résoudre ses problèmes d’argent, de satisfaire ses amis maçons, Mozart entre dans des palais, s’installe au piano et se met à jouer. L’orchestre, présent derrière le tulle où sont projetés les dessins, apparaît ou disparaît tout comme les chanteurs (Florie Valiquette, Antoinette Dennefeld, Mikhail Timoshenko et Yoann Le Lan). Les acteurs sont aussi chanteurs et quand au beau milieu d’une scène jouée, la musique jaillit, que les chanteurs et l’orchestre deviennent visibles, le public est saisi de surprise et pris à la gorge par l’émotion.
Un spectacle qui surprend par son originalité et sa beauté.
Micheline Rousselet
Du 23 au 25 juin à La Seine Musicale dans le cadre du festival Mozart du 23 au 29 juin
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
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