Peu de temps après les événements de mai 1968, au début de l’année 1969, Léo Ferré (1916-1993) donne un concert à Bobino. Accompagné par Paul Castagnier, un pianiste aveugle, il chante 26 chansons. Dans certaines, Les poètes par exemple, il évoque la condition des poètes au sein de cette société de consommation qu’il exècre :

Ce sont des drôles de types qui regardent les fleurs
Et qui voient dans leurs plis des sourires de femme
Ce sont de drôles de types qui chantent le malheur
Sur les pianos du cœur et les violons de l’âme.

Avec C’est extra, il évoque la sensualité et le corps des femmes :

Une rob’ de cuir comme un fuseau / Qu’aurait du chien sans l’ fair’ exprès / Et dedans comme un matelot / Une fill’ qui tangue un air anglais…

Il chante contre la peine de mort, contre l’hypocrisie, contre la bigoterie, contre la pauvreté, contre la guerre mais pour l’amour et l’amitié. A la fin du concert, il sème ses graines d’ananar car il se revendique anarchiste, au sens espagnol du terme. Il termine son tour de chant avec deux chansons devenues mythiques, Les anarchistes et Ni Dieu ni maître.

Y’en a pas un sur cent et pourtant ils existent
Et s’il faut commencer par les coups d’pied au cul
Faudrait pas oublier qu’ça descend dans la rue
Les anarchistes

Ils ont un drapeau noir
En berne sur l’Espoir
Et la mélancolie
Pour traîner dans la vie
Des couteaux pour trancher
Le pain de l’Amitié
Et des armes rouillées
Pour ne pas oublier

En 1969, Michel Hermon a 20 ans. Jeune comédien, il est aussi metteur en scène. Il assiste au concert de Bobino donné par Léo Ferré et en sort bouleversé. Il abandonne le théâtre en 1982 pour se consacrer exclusivement au chant. Quelques années plus tard, on le voit et on l’entend Piaf, Marlène Dietrich et Damia), au poète et chanteur Léo Ferré. Il donne également des dans les Noces de Figaro et Bastien et Bastienne de Mozart, dans l’Opéra de quat’sous de Bertold Brecht et Kurt Weil ainsi que dans la Belle Hélène d’Offenbach.
Il aborde la chanson en 1990 avec Berlin, un spectacle en chansons présenté au Printemps de Bourges. Par la suite, il va créer plusieurs spectacles musicaux dédiés à des chanteuses (Edith concerts où il chante des poètes mis en musique par lui (Baudelaire, Verlaine, Rimbaud).

Chanson : Hermon/Ferré
Chanson : Hermon/Ferré

Aujourd’hui, 50 ans ont passé depuis le concert de Bobino. Michel Hermon a décidé de le reprendre intégralement. Tout de noir vêtu, il est merveilleusement accompagné au piano par Christophe Brillaud. C’est une très belle réussite !
La voix est belle, ample et généreuse. Elle exprime aussi bien la tendresse (Pépée par exemple est chantée avec une très grande émotion) que la colère ou la révolte (avec Madame la Misère ou encore Ils ont voté). La diction est parfaite ainsi que la musicalité, si difficile à respecter chez Ferré. On voit que Michel Hermon a une grande habitude du théâtre car ses gestes et ses mouvements sont mesurés et toujours d’une grande sobriété. Il rend la vie aux textes et aux musiques du grand Léo Ferré. Grâce à lui, cette œuvre magnifique ne tombera pas dans l’oubli. La poésie est plus forte que la mort. Grands et petits, jeunes et vieux, il faut aller entendre Léo Ferré chanté par Michel Hermon !

Micheline Rousselet

Lundi, mercredi et vendredi à 20h30, jeudi et samedi à 19h, dimanche à 17h, relâche le mardi.
Théâtre de L’Atalante
10 Place Charles Dullin, 75018 Paris
Réservations (partenariat Réduc’snes tarifs réduits aux syndiqués Snes mais sur réservation impérative) : 01 46 06 11 90


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