Ainsi pourrait être résumée la proposition romantique du 19e s. Notre époque est à mille lieues du romantisme et l’on peut s’en réjouir quant à ses débouchés tragiques. Inversement, le succès des sites de rencontre et réseaux sociaux atteste aujourd’hui de la victoire du désir éphémère et du plaisir sans passion, de la préférence du ludique au tragique. Mais reste-t-il au moins quelques traces d’Éros dans cette consommation sans pathos ? Ne peut-on gagner quelque chose à nous pencher de nouveau sur le romantisme sans bien sûr, tomber dans ses travers fatals ?

Giuseppe Fortunino Francesco VERDI n’ait en 1813, quand la plupart des initiateurs du romantisme sont déjà morts ou presque. Mais l’idéal de l’amour fusion qui ne peut « s’accomplir » que dans la mort des amants avait encore de beaux jours devant lui en ce début de siècle, dans la création artistique. Luisa Miller, opéra créé le 8 décembre 1849 au Teatro San Carlo de Naples et repris le 2 février 1853 au Palais Garnier, en est un formidable exemple : amour passionné mais contrarié, forcé à la trahison, impossible à briser, croyant se sauver dans une issue fatale, écho de l’intemporel Roméo et Juliette

C’est au librettiste Salvatore Cammarano que Verdi commanda deux opéras « avec beaucoup de mouvement et encore plus de passion ». Luisa Miller fut l’un d’eux, inspiré de Cabale et Amour de Friedrich von Schiller, figure iconique du romantisme allemand au XVIIIème s. La pièce en cinq actes de Schiller ajoutait au drame de l’amour impossible une composante sociale, celle du conflit entre la noblesse et la bourgeoisie. C’est dire que cette œuvre de transition annonçant celles de la maturité du compositeur que seront Rigoletto, La Traviata et Le Trouvère, est déjà fort riche en thèmes et actions. Esthétiquement, Luisa Miller est aussi une rencontre improbable entre un compositeur italien en plein développement de son génie musical aux couleurs éclatantes et un auteur septentrional, partisan du mouvement Sturm und drang, « Tempête et Passion »…

Il n’est pas inutile de se replonger dans les méandres du romantisme qui a, au moins, le mérite de nous proposer, à l’heure de la segmentation numérique du désir, une défragmentation du discours amoureux, une réhabilitation du sentiment. Ne pas désespérer d’un amour sans cabale !

L’Opéra Grand Avignon en coproduction avec l’Opéra de Tours, l’Opéra de Lombardie et l’Opéra de Silésie de Bytom, en Pologne, nous invite à cette plongée esthétique et éthique. La direction musicale de l’Orchestre national Avignon-Provence sera confiée à Franck Chastrusse Colombier et la mise en scène à Frédéric Roels. Chœur de l’Opéra Grand Avignon dirigé par Alan Woodbridget. Distribution : Luisa, Axelle Fanyo ; Miller, Gangsoon Kim ; Rodolfo, Sehoon Moon ; Wurm, Mischa Schelomianski ; Il Conte, Walter Wojtek Smilek ; Federica, Sarah Laulan ; Laura, Cécile Lastchenko.

Mais la proposition de l’Opéra d’Avignon ne s’arrête pas là ! Une semaine avant, il est possible pour le public d’assister à une répétition en présence de tous les artistes lyriques, solistes et chœur accompagnés au piano. Puis de les rencontrer et d’échanger avec les chefs d’orchestre et de chœur. Le lendemain, le dimanche 5 mai, une rencontre avec Laurent Castaingt, créateur des lumières et auteur de Le théâtre de la lumière est organisée. Le public pourra dans la foulée découvrir le travail de mise en scène avec Frédéric Roels mais aussi de montage scénique avec les équipes techniques. Comme pour chaque opéra, une générale est ouverte au public. Ce sera le samedi 11 mai pour Luisa Miller, sur réservation gratuite. Enfin, trois quarts d’heure avant chaque représentation un prologue de présentation de l’œuvre est également accessible aux publics munis de billet.

Bon spectacle!

Jean-Pierre Haddad

Opéra Grand Avignon, Place de l’Horloge, 84000 Avignon. Vendredi 17 mai à 20h. et dimanche 19 mai 2024 à 14h30. (En italien surtitré en français) Infos et réservations : https://www.operagrandavignon.fr/luisa-miller ; Répétitions publiques et rencontres : https://www.operagrandavignon.fr/autour-de-luisa-miller-verdi

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