
Le hall de la chanson célèbre Joséphine Baker à l’occasion du centenaire de sa première apparition à Paris. Serge Hureau et Olivier Hussenet, directeurs artistiques et metteurs en scène du spectacle, ne nous racontent pas seulement la vie de la femme et de l’artiste, ils la font vivre sur scène par la grâce et le talent de six jeunes interprètes, un chanteur-danseur Pierre Lhenri, et cinq chanteuses-danseuses (Charlotte Avias, Yasmine Hadj Ali, Mathilde Martinez, Coralie Méride et Lymia Vitte). En onze tableaux, qui portent chacun comme titre une couleur de l’arc en ciel plus le blanc, l’infra-rouge, l’ultra-violet et le multicolore, on va traverser la vie, les chansons et les apparitions sur scène de celle qui vient d’entrer au Panthéon. Sans ordre chronologique se met en place un hommage à celle qui, petite-fille noire issue d’un milieu très défavorisé, passa du monde de la ségrégation raciale du Sud des États-Unis aux scènes parisiennes, où vêtue de strass et de paillettes ou de sa célèbre ceinture de banane, elle déploya un talent original se moquant des stéréotypes sur la beauté noire. Sur scène elle sut multiplier les genres musicaux, passant du gospel au blues, du jazz aux variétés européennes. Dans sa vie, toujours à la pointe des combats contre le racisme, y compris aux côtés de Martin Luther King, elle s’engagea aussi au service de la France Libre et, comme elle ne pouvait avoir d’enfants, en adopta douze, venus des quatre coins du monde et qu’elle appelait sa tribu arc-en-ciel.
Les moyens du Hall de la chanson ne lui permettant pas une « revue de music-hall » à grand spectacle, autant la créer en mode arte povera. Luxe et humour habitent les détails et excitent l’imagination. Il y a des fourreaux de lamé, des plumes, de faux bijoux clinquants, des images exotiques projetés sur des rideaux de perles et même une artiste costumée en guépard, puisque Joséphine eut un guépard de compagnie. Le tableau grand-siècle évoque le commerce triangulaire avec une artiste en robe à panier coiffée d’une perruque portant un trois-mats négrier. Le tableau exotique voit une artiste aux ongles dignes d’une impératrice chinoise chanter avec humour les clichés d’un racisme caricatural de La petite Tonkinoise. On retrouve les standards qu’a chantés Joséphine Baker, comme J’ai deux amours ou Dans mon village, d’autres aussi qui ont rythmé l’époque comme We shall overcome ou Amazing grace. Vladimir Medail directeur musical les a adaptés avec finesse et humour, tel J’ai deux amours revisité façon rap. Quatre musiciens sont sur scène Vladimir Medail à la guitare, Sylvain Dubrez à la contrebasse, Nicolas Grupp à la batterie et Clément Simon au piano, que viennent parfois compléter aux congas les chanteuses. Les voix souples et riches des chanteuses font de chaque chanson une petite merveille et quand il et elles dansent, c’est une « danse sauvage », comme celle qui avait été demandée à Joséphine et son partenaire pour La revue nègre, qui s’offre à nous.
Un spectacle tonique, rythmé, plein de jeunesse et de couleurs pour une grande dame du passé.
Noter que sur le mur extérieur du Hall de la chanson s’affiche une installation de Catel Muller, qui a signé la BD sur Joséphine Baker, accompagnée de QR codes permettant d’écouter la voix de l’artiste, complétée dans l’entrée du Hall par une exposition d’art intitulée Vénus noire.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 9 novembre au Hall de la Chanson, Parc de la Villette (derrière la Grande Halle), 211 avenue Jean Jaurès, 75019 Paris – les dimanches 5, 12, 19 octobre et 2 et 9 novembre à 16h, le samedi 8 novembre à 19h – Réservations : www.lehalldelachanson.com ou 01 53 72 43 00
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