Le trio – Samuel Sené à la conception et la mise en scène, Eric Chantelauze pour le livret et Raphaël Bancou pour la musique – qui nous avait enchantés avec le multi-primé Comédiens en 2018, récidive. Il exhume un chef d’orchestre et compositeur français François Courdot (1919-1968) tombé dans l’oubli alors qu’il fut Prix de Rome, que Nadia Boulanger le parraina et l’emmena avec elle à New-York en lui confiant la tâche de moderniser l’opérette. Quelle vie que celle de ce musicien méconnu, de la baguette de chef d’orchestre classique au piano-jazz des bars ! Ami de Léonard Bernstein et de Cole Porter, il fit sa carrière sous deux noms, François Courdot et Franck River (il n’a pas été chercher loin !) et mena une double vie avec ses deux femmes, ce qui l’obligeait parfois à dîner deux fois et lui fit prendre 30 kilos. Ce n’est pas le seul sacrifice auquel fut condamné François Courdot, qui aurait pu connaître la gloire s’il ne s’était pas fait voler la chanson vedette de Hair, qu’il avait composée, mais qu’il oublia un soir d’ivresse dans un café.

La vie de François Courdot, fort romanesque au demeurant, est l’occasion d’un parcours à travers l’histoire de la musique, de l’opérette à la comédie musicale en passant par le jazz sans compter les partitions oubliées du musicien. Trois complices sont du voyage, en équilibre parfois instable sur des balançoires à bascule ou jouant sur un piano qui penche beaucoup, jamais à leur place, toujours à contre-temps comme leur héros. Deux conférencières nous racontent la vie pleine de péripéties et de surprises de François Courdot. Mais cette vie ne peut se raconter sans musique. Marion Rybaka, soprano lyrique, est plus particulièrement attachée à l’opérette et Marion Préïté (en alternance avec Cloé Horry) plus spécialiste de la comédie musicale. Elles passent avec une fluidité remarquable des Noces de Figaro à Offenbach, de Caravan de Duke Ellington à Nous avons fait un beau voyage de Reynaldo Hahn, des cloches de Corneville au Duo des dindons d’Edmont Audran. Avec un humour de tous les instants, elles n’hésitent pas à passer de Tout le monde a la grippe de la chanteuse populaire canadienne La Bolduc au sublime Air du froid de l’opéra de Purcell, Le roi Arthur. Quant à Raphaël Bancou, au piano, il n’est pas en reste sur les « contre-temps », au figuré bien sûr. Il se lance dans des commentaires techniques sur les harmonisations de François Courdot avant de s’interrompre, très pince-sans-rire, en disant « c’est joli mais inutile ».

Avec cette histoire abracadabrante et une quarantaine d’extraits musicaux, ils nous offrent un petit bijou d’intelligence, de drôlerie et de talent. On en sort sourire aux lèvres, on se surprend à fredonner et ceux qui ne l’ont pas encore vu se dépêchent de prendre des places pour Comédiens que l’Artistic Théâtre propose en alternance.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 31 décembre à l’Artistic Théâtre, 45 rue Richard Lenoir, 75011 Paris – du mercredi au dimanche, du1er au 4, du 7 au 11, du 14 au 18 et du 28 au 31 décembre – Réservations : 01 43 56 38 32 ou www.artistic-athevains.com

Pour Comédiens : du mercredi au dimanche, du 30 novembre au 4 décembre, du 7 au 11, du 21 au 25 décembre

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