Faire sourire et même rire avec des collages tout à fait improbables de musique classique, de jazz, de comédies musicales, de chansons, et où pourtant tout finit par prendre sa place, c’est ce que réussit depuis près de trente ans La framboise frivole. On peut dire que ces deux Belges, le chanteur-violoncelliste Peter Hens et le pianiste Bart van Caenegem sont à la musique ce que le peintre René Magritte est au surréalisme belge. À l’instar de leur compatriote, ils vont se lancer dans un jeu de correspondances où des airs répondent à d’autres, où des paroles de chanson en appellent d’autres. Peter Hens démarre par quelques mots sur ce grand compositeur qu’est Brahms, mais ce sont des lieder de Schubert « posthumes, écrits après sa mort » qu’il se met à interpréter ! Dans les paroles de La truite se glissent subrepticement quelques sifflements intempestifs du pianiste et des recettes pour cuisiner la truite. Le ton est donné. Le chalet là-haut sur la montagne renvoie à la Normandie (!), celle-ci au camembert qui coule et si le camembert coule, Madame la Marquise c’est parce que le bunker (en Normandie) a flambé. Vous suivez j’espère ! Jamais à court d’inventions ils nous emmènent aussi dans les pas de Mollessorgsk, la sœur oubliée de Moussorgski, occasion de se perdre dans quelques tableaux (d’une exposition bien sûr) !

Les jeux de mots répondent aux musiques qui rebondissent les unes sur les autres. Les genres se mélangent. La romantique Ballade pour Adeline de Richard Clayderman débouche sur l’Internationale avant d’embrayer sur Et j’ai crié Aline de Christophe. Mozart voisine avec A la Bastille et Les demoiselles de Rochefort ne sont pas loin. Le violoncelliste semble se laisser parfois emporter par l’inspiration et s’échappe au grand étonnement de son partenaire pianiste. L’air surpris ou un peu désapprobateur, celui-ci se demande Et maintenant que vais-je faire, mais ne perd jamais le fil, même sur un Boléro de Ravel égaré dans la pompe bien connue des musiciens de jazz.

Petites merveilles d’humour et de précision, les deux musiciens virtuoses, en queue de pie, gilet blanc et nœud papillon, nous entraînent dans ce tourbillon avec un air très pince-sans-rire et, toujours l’air sérieux, réussissent au final à diriger la salle dans le chœur des esclaves du Nabucco de Verdi. Joli exploit !

Micheline Rousselet

Du 1er au 23 février et du 14 au 26 juin à La Piccola Scala, 13 boulevard de Strasbourg, 75010 Paris – Du 1er au 23 février les mardi et mercredi à 19h, du 14 au 26 juin du mardi au samedi à 19h et le dimanche à 15h30 – Réservations : 01 40 03 44 30 ou billetterie@lascala-paris.com

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