« Bop Writer », titre de ce premier album, ne dit pas tout à fait son contenu. Il s’ouvre sur « So What », de Miles Davis – peut-être de Gil Evans si l’on en croit certaines rumeurs -, prémices du modal que Wayne Shorter, par des glissements successifs vers un ailleurs pas toujours défini, habillera. Ces années 1960 sont des années de révolution, du modal à la naissance du free jazz. C’est vrai que le be-bop qui semble à bout de souffle, ne disparaît pas. Il suinte par tous les pores de cette musique nouvelle. Le quintet de Miles Davis de ce milieu des années 60 fait la part belle aux compositions de Wayne Shorter, quelques-unes reprises par la chanteuse et parolière. « Teru », renommée « Ophelia » et « Infant Eyes » s’éloignent des codes du be-bop pour tracer une autre voie comme le « Lonely Woman », composition la plus célèbre de Ornette Coleman. Monk se trouve plus près du style qu’il déconstruit avec une belle humeur pour ouvrir des chemins d’aujourd’hui. La modernité de Monk éclate à chaque enregistrement des musicien-ne-s d’aujourd’hui.
La musicienne fait preuve d’une flexibilité et d’une originalité pour que sa voix redonne une vie nouvelle à ces thèmes dont certains ont été rabâchés : « So What », sur lequel Eddie Jefferson a mis des paroles, « Round About Midnight, que Nougaro a adapté, « Rhythm-A-Ning » de Monk – avec des paroles de Jon Hendricks pour se souvenir du poète – et même « Lonely Woman » repris dés 1962 par Chris Connor. Le trio qui la soutient et la propulse lui permet de transgresser certaines règles et même d’outrepasser la composition elle-même. Olivier Hutman refait la preuve du grand pianiste qu’il est, Yoni Zelnik fait partie des bassistes essentiels de la scène du jazz et Tony Rabeson un de ces batteurs qui savent écouter et participer à la création collective.
La voix, un peu désarçonnante au premier abord, pique la curiosité pour voyager entre passé et futur.
Nicolas Béniès.
« Bop Writer », Yaël Angel, Pannonica/In Ouïe distribution
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