Un trio, rien qu’un trio pour s’approprier les compositions de Billy Strayhorn, compagnon et alter ego du Duke à son entrée dans l’orchestre en 1938. Billy Strayhorn est un maître du spleen, une sorte de Baudelaire du jazz. Ses compositions mélancoliques, quel que soit le tempo, parlent d’un monde jamais trouvé, de ce monde qui se perd dans la ligne de l’infini.
Un trio, disais-je, alors qu’à l’origine, la plume de Strayhorn est au service de l’orchestre et de sa palette faite de musiciens spécifiques, autant de prima donna.
Il fallait un travail d’arrangement pour les adapter, sans leur faire perdre de leur nostalgie d’un monde futur. André Villéger, saxophoniste ténor mais aussi soprano et baryton et même clarinettiste basse, Philippe Milanta, pianiste et Thomas Bramerie, contrebassiste, ont réussi à nous faire écouter différemment ces thèmes que nous connaissons par cœur. Les trois compositions originales signées André Villéger et Philippe Milanta ne dépareillent pas en s’inscrivant dans le projet d’ensemble. Comme un murmure du passé s’élançant vers un futur indéterminé, comme une angoisse d’un univers en voie de décomposition. Le tout enrobé dans un son d’une plénitude à rendre doux comme un agneau le chien le plus méchant soudain pénétré par cette musique qui le transforme et le fait réfléchir sur sa partie d’humanité.
Pour ceux et celles qui découvrent par l’intermédiaire de cet album, « Strictly Strayhorn », la musique teintée de bleus – de tous ces bleus que la société fait subir aux homosexuels, noirs de surcroît – de Strayhorn, je leur souhaite beaucoup de plaisir à l’écoute de toutes les autres versions pour se rendre compte de l’originalité de celles de ce trio.
Nicolas Béniès.
« Strictly Strayhorn », André Villéger, Philippe Milanta, Thomas Bramerie, Camille Productions, distribué par Socadisc
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