Agnès Desarthe, on s’en souvient, était tombée sous le charme d’un pianiste de jazz et en avait fait un livre « Le roi René » (Odile Jacob), où elle racontait ses rencontres avec René Urtreger. En forme de revanche, le pianiste a fait de l’écrivaine une chanteuse. Agnès a pris comme référence – non avouée – Julie London, actrice qui savait murmurer des mots d’amour sans prétendre à être une vocaliste de jazz. Julie avait fait un succès de « Cry me a river ».
« Premier rendez-vous » est le résultat de ces entretiens autour du livre. Ce n’est pas un tête-à-tête. Géraldine Laurent, saxophoniste alto, déchirante dès le début sur « The Man I Love » qu’elle transfigure et donne à cette reprise de standards pour l’essentiel, la touche qui, sinon, leur aurait manquée. Une mention spéciale aussi au violoniste Alexis Lograda sur « Le premier rendez-vous » et « La géante » deux originaux et le dialogue violon/saxophone alto. La voix de l’écrivaine déraille un peu de temps en temps mais pas suffisamment pour nuire à ces entretiens musicaux.
Pierre Boussaguet, contrebasse, qu’il faut entendre sur la composition la plus connue de René, « Thème pour un ami » montre qu’il a tout entendu et sait rendre l’âme de cet « ami » ; Simon Goubert, batterie, sait se taire à certains moments, se faire discret à d’autres tout en montrant sa capacité à exprimer le rythme fondamental nécessaire à toutes les aventures de tous ces musicien-ne-s. Et René bien sûr, ses mémoires, son jeu de piano qui ne reste jamais ancré dans le passé et un accompagnement curieux qui ressort plutôt de la conversation, un art de plus en plus rare.
« Premier rendez-vous » est un de ces disques qui vous restent dans l’oreille comme un murmure du temps.
Nicolas Béniès
« Premier rendez-vous », René Urtreger, Agnès Desarthe, Naïve/Musicast
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