Nathaniel Adams Coles – le nom d’état civil de Nat King Cole – est né le 17 mars 1919 à Montgomery, dans l’Alabama. La vie est dure dans ces contrées pour un enfant noir, fils de pasteur baptiste. Le racisme est au plus haut surtout contre ces vétérans qui reviennent de la Première Guerre Mondiale. Ils se sont illustrés, les soldats noirs, cités, décorés par l’armée française sans être reconnus par l’américaine. Les lynchages sont nombreux. Le Ku-Klux-Klan renaît de ses cendres en 1915 et fait la chasse aux Noirs, aux Juifs et aux papistes.
Fréquentation de l’Église, difficile de faire autrement. Premières leçons de chant et aussi bientôt de piano et d’orgue par sa mère. Très vite la famille déménage à Bronzeville, ghetto de Chicago. Dans la ville, en ces années 1920, Earl Hines, pianiste aventureux, marque de son empreinte tous les jeunes pianistes comme Lil Hardin – future Madame Armstrong.
Nat accompagnera la revue « Shuffle Along », première comédie musicale écrite par des Noirs et jouée par des Noirs au début des années 1920. En compagnie de sa première épouse, Nadine Robinson, danseuse, il participe à l’ensemble musical de cette revue, en 1936, pour se retrouver en Californie où il va s’installer.
L’année d’après, il rencontre Oscar Moore, guitariste et Wesley Prince, contrebassiste pour former le « King Cole Trio ». Pour répondre aux volontés des patrons de boîtes dans lesquelles se produit le trio, King Cole chantera. Avec difficulté. Il est bègue et toutes les photos montrent sa grande bouche. Il arrivera à maîtriser son handicap à la manière, suivant la légende, de Démosthène en mettant des cailloux dans sa bouche. Le trio marque son temps. Les premiers enregistrements, en 1940, seront pour le label Decca. On y trouve déjà « Honeysuckle Rose » – composition de Fats Waller – et « Sweet Lorraine ». En 1943, année décisive, il grave pour le label, indépendant en ces temps, Capitol, des thèmes qui resteront pour l’éternité. Il fait la démonstration d’abord de son art pianistique singulier qui s’inspire de Earl Hines pour lui faire franchir des limites essentielles qui ouvriront la voie aux pianistes be-bop tel Bud Powell. Le trio lui-même fait des émules. Art Tatum, le « Dieu du piano », en construit un avec Slam Stewart à la contrebasse et Tiny Grimes à la guitare, à quatre cordes pour ce musicien qui engagera Charlie Parker en 1944.
Plus tard, seule sa voix comptera. Elle lui permettra de vendre des millions de disques, de devenir riche. Il restera attaché par toutes les fibres de son corps au jazz et au piano. En 1956, il fera un retour avec « Route 66 » et aura une émission de télé, « The Nat King Cole Show ». La chaîne de télé l’obligera à se blanchir le visage… Sans parler des agressions, de son engagement dans la campagne de Kennedy…
La vogue du rock obère sa popularité. Comme pour tous les « crooners ».
Le 15 février 1965 la fumée – de cigarettes – l’enveloppera pour une disparition à laquelle personne ne pouvait croire.
Pour son 100e anniversaire, Claude Carrière et Cristal Records proposent un coffret de trois CD répartis en « The Voice » – le crooner pour l’essentiel -, « The Trio », surtout les faces Capitol au détriment des autres et « The Piano » pour se rendre compte de l’inestimable improvisateur qu’il fut et oublié trop souvent. Tel quel ce coffret donne d’abord l’envie d’en écouter plus pour faire resurgir Nat « King » Cole, le sortir de ce brouillard tabagique.
N’hésitez pas. Ce centenaire saura vous émouvoir et vous époustoufler.
Nicolas Béniès
« Nat King Cole Incomparable ! », une sélection et présentation de Claude Carrière, Coffret de trois CD, Cristal Records distribué par Sony Music
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