Le Carnegie Hall, sis à New York City, est des hauts lieux des concerts d’abord classiques, symphoniques même si des vedettes de la chanson française comme Charles Aznavour s’y sont produites. Il avait ouvert ses portes, entrouvert serait plus juste au jazz dés 1932 pour accueillir Benny Goodman et son orchestre en 1937 et les concerts organisés par John Hammond en décembre 1938 et 1939, « From Spiritual To Swing ». Une histoire qui aurait pu être d’amour mais il n’en fut rien, du moins en cette fin des années cinquante.

Jazz : jazz from Carnegie Hall
Jazz : jazz from Carnegie Hall

Pourquoi, en tenant compte de cette mémoire, appeler une série de concerts et de tournées qui prenaient exemple sur les « Jazz At The Philharmonic » – JATP pour les intimes – « Jazz From Carnegie Hall » ? Une idée du britannique Harold Davison confondant volontairement tous les philharmoniques pour bénéficier de la renommée du lieu. Le titre n’a sans doute pas plus d’importance qu’anecdotique mais il est révélateur des méconnaissances de l’époque de la vie aux États-Unis. Il faudrait faire une étude des relations du jazz et des salles de concert exception faite de ces JATP voulus par Norman Granz pour faire reconnaître le jazz, les musicien-ne-s et casser les codes des frontières entres les branches de la musique et lutter contre le racisme.

L’essentiel, ce sont les concerts. Soit ici LE concert. La seule trace qui nous reste est cet enregistrement réalisé dans de bonnes conditions techniques à l’Olympia, le 1er octobre 1958. Les coproducteurs sont évidemment, pour cette période, Daniel Filipacchi qui présente le concert et Frank Ténot. La création d’Europe n°1 allait de pair avec l’émission présentée par les deux compères « Pour ceux qui aiment le jazz » et les concerts donnés à l’Olympia soit à 18h, soit à minuit.

Bientôt le vote de la nouvelle Constitution proposée par le Général de Gaulle occupera les électrices et les électeurs pendant que la guerre d’Algérie, elle, se poursuit. Dans cette période troublée, Kenny Clarke, batteur inventeur de la batterie be-bop, s’est installé dans la banlieue parisienne et fera partie d’une drôle d’équipe, celle qui réunit Bud Powell, Pierre Michelot et lui-même. Il créera, avec Dante Agostini, une école de batterie qui marquera beaucoup de jeunes batteurs français de ce temps.

Pour ce concert, il est présent. Il retrouve un vieil ami, le contrebassiste Oscar Pettiford, « un des meilleurs » dit Filipacchi à juste raison dans son annonce. Il est la vedette incontestée de la première partie, en particulier sur une improvisation, longuement préparée, sur « Stardust ». Le pianiste, étonnant, Phineas Newborn ne peut être oublié. Superbe et plein de cette confiance en soi qui lui fera défaut par la suite. Il est à cheval entre tous les styles, entre toutes les époques. La version en trio de « Afternoon in Paris », composée par John Lewis, est un grand moment surtout lorsqu’on connaît quelques versions précédentes de ce thème. Lee Konitz, en habitué des scènes parisiennes, vient apporter sa touche.

Une deuxième partie qui s’ouvre avec le duo de trombones, Jay Jay Johnson et Kay Winding réunis pour l’occasion de ce concert. Des retrouvailles qui pourraient laisser penser qu’ils ne sont jamais quittés. Le pianiste ici serait Red Garland et non plus Phineas Newborn.

Au total, un voyage qui ne déçoit pas. De quoi revivre ces moments étranges d’une organisation qui disparaîtra. « Dust to dust » mais cette poussière est de celle qui provoque un plaisir intense.

Nicolas Béniès.

« Jazz from Carnegie Hall, 1er octobre 1958 » La collection des grands concerts parisiens, Frémeaux et associés.


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