Eric Séva est un partisan fidèle du saxophone baryton, ce gros saxophone qui donne une impression de lourdeur mais sait se faire léger, discordant grâce à l’utilisation d’un varitone créateur d’effets « wa wa » du plus bel effet. Un de ces saxophones un peu laissés pour compte. Sa voix profonde sait aussi explorer, sonder les corps et les âmes. Plus que tous les autres saxes, il est « Body and Soul », un des grands standards du jazz magnifié par la création de Coleman Hawkins en octobre 1939.
De temps en temps, Eric fait des infidélités à son compagnon pour aller voir du côté du soprano au son plus proche du cri du blues.
« Body and Blues » est le titre qu’a choisi Eric Séva pour cet album issu, nous dit-il, des conférences réalisées avec Sébastien Danchin pour présenter le blues. Dans les compositions dues à sa plume, sauf deux, il mêle allègrement tous les blues et les musiques du monde. Il ne craint pas de rappeler le temps des comptines, des ritournelles qui reviennent en boucle pour perdre un peu plus l’auditeur enfoncé dans les reconnaissances qu’il ne connaît pas.
Eric s’est adjoint deux chanteurs de blues, Harrison Kennedy, ancien chanteur du groupe « Chairmen of the Board », représentatif de la scène « Soul » des années 1970, joueur d’harmonica pour signifier son héritage, son patrimoine et Michael Robinson natif de Chicago – c’est tout dire – qui a commencé par le gospel. Ils savent habiter cette musique pour faire du blues un art du présent. Nougaro assure une présence via un de ses poèmes.
Christophe Cravéro, piano, Fender Rhodes, B3 – comme il se doit pour le blues -, Manu Galvin aux guitares, Christophe Wallemme, basse et contrebasse et Stéphane Huchard à la batterie savent déployer leurs talents pour donner vie à une drôle de musique à la fois liée aux blues et à toutes les musiques dites populaires. Régis Gizavo, à l’accordéon, vient apporter une touche sociale dans « Trains clandestins » pour un clin d’œil à notre actualité la plus brûlante et la plus scandaleuse.
Une musique qui danse dans les feux d’artifices pour créer une réalité rêvée plus forte que la réalité d’un monde trop engagé dans la violence pour comprendre le sens de la sauvagerie nécessaire à la création.
Nicolas Béniès.
« Body and Blues », Eric Séva,
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