Shauli Einav, saxophoniste israélien installé à Paris, ne veut pas perdre la mémoire d’un temps où l’avant-garde était saluée comme une nécessité vitale et participait de l’utopie de la construction d’un monde différent, libre, égal et fraternel. Je vous parle d’un temps… que le jeune trentenaire a connu via le saxophoniste un peu oublié – quel dommage – Arnie Lawrence qui lui a servi de maître en Israël.
Shauli Einav a constitué un quintet qui s’inspire de l’esthétique de ceux réunis par Andrew Hill pour Blue Note dans ce milieu et fin des années 1960 ou de Tony Williams ou encore de Bobby Hutcherson. Ces références ne viennent pas écraser les compositions du saxophoniste mais les éclairer. Aucune copie servile, simplement à la fois un travail de mémoire bousculé par la force vivante de musiciens qui veulent trouver dans le monde d’aujourd’hui qu’ils contestent dans ses fondements. Le compositeur n’oublie pas non plus d’où il vient : la Palestine, terre divine et terre de cultures. Le oud de Fayçal Salhi sur « One step up » – un pas vers le ciel ? – trace les parcours.
Tim Collins, vibraphone, remet au goût d’un jour étrange la sonorité d’un instrument trop peu sollicité dans ses développements possibles, Andy Hunter au trombone réussit une sorte de quintessence de tous ses prédécesseurs qui ont voulu se dégager autant que faire se peut de Jay Jay Johnson à commencer par Grachan Moncur III. Yoni Zelnik confirme sa capacité à asseoir rythme et tempo pour permettre aux quatre autres de s’élancer vers d’autres cieux et Guilhem Flouzat sait réaliser une curieuse synthèse entre tous les batteurs modernes à la manière d’un Joe Chambers.
Le tout donne envie de vivre encore et encore pour provoquer d’autres émotions. « Animi » – un pluriel nécessaire – dit le titre de cet album pour affirmer le primat de la fougue de l’esprit et du corps.
Nicolas Béniès
« Animi », Shauli Einav, Berthold Records, distribution Differ-Ant
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