Frédéric Viale est accordéoniste. Je vous entends, le chœur antique « Encore », oui encore. C’est vrai que cet instrument un temps délaissé fait un retour en force. C’était nécessaire. Maintenant, il faudrait simplement l’ajouter au paysage du jazz contemporain.

Jazz : Viale
Jazz : Viale

Viale, pour en revenir à lui, s’est adjoint Nelson Veras, guitariste et guitariste combatif décidé à faire tourner le monde qui ne sait plus se balancer au rythme d’une musique qui prend un peu dans toutes les traditions pour refaire danser. Natallino Neto à la basse et Zaza Desiderio à la batterie apportent ce qu’il faut d’énergie pour faire de cette fête une aventure même si l’accordéon se fait trop sage. « Les racines du ciel » est le titre de cet album pour dire qu’il ne se contente pas de ce qu’il connaît mais recherche une mémoire spécifique pour construire ces compositions.

On trouvera ici ou là des références saillantes du côté de Gus Viseur notamment ou des musiques latinos mais le tout est assez réussi.

Daniel Zimmerman n’en est pas à son coup d’essai. En lien, sans doute, avec l’actualité il s’attaque aux « Montagnes russes » titre de cet album. Il nous balade donc entre mélancolie – il se souvient de l’antan – et « groove », entre toutes les musiques qui dansent ou racontent ce monde devenu à la fois irrationnel et incompréhensible. Il commence par « Au temps ôtant » où plusieurs références se mêlent pour évoquer l’OTAN, la guerre, le passé, ce temps qui s’écoule trop vite, que l’on voudrait retenir, références qui se retrouvent dans la musique qu’il propose faites d’ouvertures, de rencontres de vivants et de fantômes souvent envahissants pour lâcher la bride à l’imagination. Un appel à la fraternité, à la reconnaissance de l’autre signifié par le titre de la dernière composition « Believe », une sorte de prière.

Julien Charlet à la batterie organise le rythme nécessaire sans être envahissant, Jérôme Regard à la basse et à la contrebasse est un repère pour les solistes et Pierre Durand, guitare et Dobro – une guitare inventée par un dénommé Dobro, plus petite que la guitare traditionnelle et en métal – fait la preuve de sa capacité à dialoguer pour forger une musique qui se veut de la terre sans trop de fioritures, curieuse à force d’être simple.

Louis Winsberg, guitariste, a choisi une voie semblable en constituant Jaleo dont c’est le troisième album. Ils lorgnent plutôt du côté des musiques du Sud à commencer par celles de l’Andalousie éternelle et du Flamenco, l’âme de ce pays. Il mêle cette culture à ce qu’il connaît du jazz et des autres musiques d’un continent qui n’en finit pas de fournir des rythmes qui ont l’air simple mais ne sont pas si faciles à mettre en place. Sur cette voie, il ne pouvait que rencontrer Paco De Lucia, qui nous a quittés brutalement. « For Paco » a titré Louis pour dire le projet qui l’habite, collage non seulement de ces cultures latines mais aussi de celles de l’Inde, du Tibet pour exprimer là aussi la volonté de ne pas accepter toutes ces atteintes au droit fondamental d’exister et de vivre sans dictature. Une musique qui se veut, elle aussi, dansante.

S’il fallait trouver un lieu commun à ces trois albums, ce serait la danse. Les musiques d’aujourd’hui veulent renouer avec la simplicité – difficile objectif – pour faire bouger les corps et les têtes. Une sorte de définition de l’esprit de nos temps troublés. Les racines du ciel jouent aux montagnes russes sur des airs de Paco de Lucia, une définition qui en vaut bien une autre…

Nicolas Béniès.

« Les racines du ciel, Frédéric Viale, Absilone/Socadisc ; « Montagnes Russes », Daniel Zimmermann, « For Paco », Louis Winsberg & Jaleo, ces deux derniers au Label Bleu/L’autre distribution.


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