En Patagonie, dans la province chilienne du détroit de Magellan, un chercheur d’or, un chauffeur routier militant syndical et une jeune vigile sont confrontés au flot des touristes amateurs de « bouts du monde ».
Entre un état des lieux du pays en situation économique fragile, une politique du profit, des paysages grandioses et des centres commerciaux exploités comme des arguments touristiques, ces trois autochtones révèlent ce qui n’apparaît jamais sur les prospectus des « Tours operators » : une violence ancrée dans cette terre et qui refait surface lorsqu’une grève (qui tente de lutter contre l’augmentation du prix du gaz) paralyse la région et menace un prestige touristique en plein développement.
Zona franca, vitrine touristique quelque peu décatie, argument dérisoire pour des visites organisées, est le plus grand centre commercial de Patagonie.
Mais Georgi Lazarevski préfère privilégier les paysages impressionnants de ce pan du Nouveau monde longtemps inconquis à la surface desquels fourmillent par centaines les touristes photographes, boulimiques de clichés-souvenirs.
C’est au sein de cette agitation passagère que vivent des autochtones isolés comme Gaspar, le chercheur d’or qui, dans sa cabane de bois, a du mal à joindre les deux bouts, Patricia vigile de la Zona Franca coincée dans sa guérite et Edgardo, chauffeur routier impliqué politiquement dans la vie de son pays.
Mais quand les habitants réagissent contre l’augmentation du prix du gaz et bloquent toute circulation, le mécanisme touristique se trouve soudain grippé et la « route de fin du monde » prend un sens littéral pour les étrangers immobilisés.
La culpabilité d’Edgardo éveille en lui des blessures personnelles anciennes et des cicatrices coloniales restées à vif.
Le film de Georgi Lazarevski est une sorte d' »envers de la carte postale », une obligation pour ceux qui sont en villégiature dans ce pays exposé à une douleur toujours reconduite, de briser le mythe, de prendre un certain recul pour mettre en perspective des situations qui conduiraient à porter un autre regard, un regard qui interroge notre monde.
Un film qui interroge sur les raisons qui motivent un tourisme de plus en plus friand de contrées « lointaines et authentiques » mais dont l’intérêt pour le pays visité a ses limites et que les préoccupations des populations laissent de marbre.
Un film qui attend des réponses aux questions qu’il pose.
Francis Dubois
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