La Ziyara est une visite aux Saints propre aux Juifs comme aux Musulmans au Maroc. Ces saints, très nombreux et souvent communs aux Juifs et aux Musulmans, sont plutôt des sages, des guérisseurs, des figures protectrices et légendaires. La Franco-marocaine Simone Bitton, jusque-là connue pour ses films sur l’actualité palestinienne comme Mur ou Rachel propose cette fois un film beaucoup plus personnel.

Les Juifs étaient 250 000 au début des années 50. Après la Guerre des Six jours, la peur les a fait partir, la plupart en Israël ou en France. En partant, les Juifs ont souvent confié la garde des tombeaux de ces Saints à des musulmans. La réalisatrice a voulu voir ce qui restait dans les paysages et surtout dans le cœur des hommes de cette présence trop brutalement interrompue. Elle se déplace donc à travers le pays et on est loin du Maroc de carte postale. Il pleut assez souvent et dans le Maroc pauvre de l’Atlas les parpaings ont hélas remplacé le pisé ! C’est souvent sa voix que l’on entend menant la conversation, en revenante visitant le pays natal. Mécréante, croyant avoir oublié la langue de son enfance, elle retrouve au fil des rencontres un parler arabe parsemé de mots de français, d’espagnol que ses interlocuteurs partagent. Cela favorise les dialogues et face à cette femme juive, sexagénaire, qui fait sa ziyara, les langues se délient.

La visite des lieux où l’on vénérait ces saints, mais aussi des cimetières juifs et des synagogues, lui fait retrouver les gestes des femmes de sa famille, allumant des bougies pour demander la protection des Saints. Mais ce qui l’intéresse le plus, et nous avec, ce sont les rencontres avec ces musulmans croyants, humbles et modestes qui ont respecté les lieux dont ils avaient reçu la garde en héritage lors du départ des juifs. Leur dialogue raconte l’absence. Parfois la réalisatrice fait suivre un plan fixe dans un de ces lieux saints par une photo ancienne et l’espace semble se remplir des juifs partis. Parmi ceux qu’elle rencontre, beaucoup évoquent un sentiment de perte, de gâchis. L’un va jusqu’à dire que leur Dieu est le même, c’est juste une différence de prophète !

En même temps elle sait qu’elle n’est pas dans un monde apaisé. La rencontre avec un intellectuel à la fin du film renvoie à l’inquiétude liée à la montée d’une haine entre juifs et arabes, dont semble un peu protégé le Maroc, qui l’habitait en démarrant ce film. Laissons-lui la conclusion : « Mon film constitue pour moi une réponse symbolique aux pyromanes de tous bords qui dressent les cultures et les identités les unes contre les autres ». Et en effet de ces rencontres ressort un sentiment de fraternité humaine si fort que l’on ne veut pas perdre espoir.

Micheline Rousselet

Ziyara, un film de Simone Bitton. Sortie en salle le 1er décembre

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