Jeanne est auxiliaire de santé dans une maternité de Marseille. Avec ses collègues, elles se battent avec un emploi du temps surchargé afin de faire face du mieux qu’elles peuvent à l’accueil et à la prise en charge des mères et de leurs bébés. Elles sont à la fois et en permanence confrontées au manque d’effectif et à la pression de leur hiérarchie.
Jeanne a élevé seule Zoé, sa fille de dix-huit ans qui fait de belles études et qui va bientôt s’en aller et voler de ses propres ailes.
Jusque là, Jeanne a réussi à garder le voile sur son passé, une période où elle était chanteuse dans un groupe et sur l’identité du père de Zoé, pensant que le silence serait le meilleur moyen d’enfouir à jamais cet épisode glauque de sa vie. Elle est sur le point d’arriver à ses fins lorsque réapparaît un ancien membre du groupe.
Cette réapparition va -t-il mettre en péril toute une vie reconstruite sur la base d’une activité professionnelle qui la passionne en dépit des conditions de travail ?
Le film de Marion Laine se fragmente en deux temps. Des portraits contrastés de femmes professionnellement logées à la même enseigne, plus soucieuses d’effectuer du mieux possible leur tâche que de compter leur temps, et plus tard, le bouleversement qu’opère dans la vie de Jeanne la réapparition du passé avec lequel elle avait décidé de rompre.
Les portraits de femmes sont d’autant plus convaincants qu’ils sont très soigneusement écrits, qu’ils échappent aux clichés et qu’ils sont soutenus par des comédiennes qui laissent deviner, chacune avec une même profondeur, les blessures secrètes et le poids du passé. La force de chacune est plus dans ce qu’elles expriment que dans ce qu’elles taisent.
Et le catalogue de portraits de femmes de quarante-cinquante ans rompues aux blessures et aux égratignures de la vie est illuminé par la nature passionnée, enthousiaste, spontanée de Jennifer, la jeune stagiaire.
Il n’est pas certain que le regard posé sur une équipe et le fonctionnement de soignantes en maternité juste et sensible, s’articule dans le film avec le retour sur le passé de Jeanne, même s’il ne fait peser aucune réelle menace sur sa vie.
A partir de ce virage, le scénario devient plus flou et Sandrine Bonnaire qui jusque là échappait à ces personnages qui la poursuivent de mère douloureuse, renoue avec l’expression du tourment qui la taraude.
Heureusement, elle est ici et de bout en bout, rayonnante.
Sont à citer en plus des jeunes comédiennes au jeu tout en demi teinte, Une Aure Atika dont on aimerait savourer plus souvent les discrètes performances ; une Brigitte Röuan tout aussi rare et convaincante.
Un film un peu inégal dans sa construction mais avec ici et là de belles fulgurances, tour à tour émouvant et lumineux, cruel et généreux.
Francis Dubois
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