Aurore et Marine, originaires de Lorient, une ville de garnison, ont choisi de s’engager dans l’armée. Elles l’ont fait pour trois raisons : la difficulté de trouver un travail dans une ville moyenne, le gain et la liberté qu’il procure mais également pour prouver qu’elles sont de taille à se mesurer aux hommes dans une armée à la mentalité machiste tenace.

Et peut-être une quatrième raison mais elles en sont revenues : voir du pays…

Elles reviennent de six mois passés en Afghanistan et, avec leur section essentiellement constituée d’hommes, elles vont passer trois jours dans un hôtel cinq étoiles à Chypre.

Il s’agit d’une période de détente appelée « sas de décompression » au cours de laquelle une série d’activités devraient les amener à oublier la guerre.

Mais on ne se libère pas si facilement de la violence.

Cinéma : Voir du pays
Cinéma : Voir du pays

Delphine et Muriel Coulin dont on avait remarqué le film précédent «  17 filles  » ont ici adapté le roman éponyme qu’a écrit Delphine Coulin. Elles ont réalisé un film puissant, superbement construit, qui bénéficie d’une distribution remarquable à commencer par Ariane Labed et Soko qui ont endossé, dans un contraste puissant, les personnages d’Aurore et Marine.

Les deux protagonistes, à tous points de vue différentes, sont parfaitement complémentaires. L’une est mince, blonde, réfléchie, équilibrée. L’autre est brune, trapue, plus insaisissable mais elles ont l’une et l’autre une énergie comparable en puissance.

Pourrait-on dire que «  17 filles  » et « Voir du pays  » suivent un même fil narratif, que dans les deux films, il s’agit de la construction du féminin dans le monde actuel, des particularités du corps de la femme, de la possibilité de la liberté quand on est une fille aujourd’hui.

Mais cette fois-ci la réalité est plus crue, plus actuelle, plus politique aussi.

Pourquoi une femme part-elle à la guerre ? Pourquoi continue-ton de penser que c’est nouveau, hors-norme, étrange ? Les femmes ont-elles les qualités nécessaires, des dispositions pour combattre sur le terrain, manier les armes ? En quoi la violence serait-elle réservée aux hommes ?

Le récit qui se divise en deux parties, répond à toutes ces questions.

La première partie commence avec l’arrivée de la section dans l’hôtel cinq étoiles. Ce sont des vacances mais dans les faits, les militaires n’y sont pas libres de leurs faits et gestes. Ils sont soumis à un programme qui comprend des distractions liées à la proximité de la mer mais également des séances collectives en présence du Lieutenant-Colonel et dirigées par un psychologue.

La deuxième partie commence avec la rencontre d’Aurore et Marine avec deux jeunes chypriotes qui leur proposent de visiter le pays avec eux.

A la simple question qui se pose de savoir qui sont ces deux hommes, s’installe une inquiétude qui ne cesse de grandir jusqu’à créer un vrai suspense. Il ne cessera d’augmenter avec l’entrée en jeu de trois militaires de la section qui ont eux aussi bravé l’interdit et ont quitté l’hôtel. Dans quel but ?

La montée en puissance de l’intensité dramatique du récit va déboucher sur un constat navrant, le vol en éclats de tout espoir d’en finir avec le machisme ordinaire.

Les réalisatrices ont soigné le contour de chaque personnage (tous les protagonistes du récit sont parfaitement dessinés) et trouvé la bonne distance pour que chaque plan donne un éclairage intime sur les personnages.

Le cadrage, les lumières particulièrement travaillés qui servent autant les paysages maritimes que les ambiances nocturnes donnent à la fois une impression de précision et d’ampleur.

Francis Dubois


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