Antonio est écrivain. Il est tétraplégique mais pour lui dont la mobilité est réduite, pouvoir jouir d’une sexualité épanouie est une nécessité vitale, autant qu’un choix politique. Tout le monde devrait pouvoir y avoir accès mais personne ne veut se saisir du problème.
Mais Antonio a la persistance, la ténacité d’un militant convaincu du bien-fondé de sa lutte.
Entre l’hostilité de son aide soignante, les encouragements d’une prostituée militante et la perplexité de son assistant de vie, Antonio a fini par mettre en place un lieu d’assistance sexuelle chez lui.
C’est à ce moment là qu’Antonio rencontre Pepe qui vient de sortir d’un hôpital psychiatrique où il a fait un long séjour de soins.
La relation qui se met en place entre Pepe et Antonio va profondément bouleverser la vie des deux hommes.
Pepe Rovira, l’un des protagonistes de « Vivir y otras ficciones », était au centre d’un film que Jo Sol a réalisé il y a douze ans « El taxista ful» . Ce film avait pour sujet la précarité du travail et apportait un regard nouveau sur la capitalisme à travers le personnage d’un cinquantenaire qui volait des taxis pour pouvoir travailler.
Il a réutilisé le personnage en s’inspirant d’un autre de ses films « Fake orgasm» dont le sujet était la transsexualité et l’identité.
Le projet a intéressé l’autre protagoniste de «Vivir y oltras ficcionnes», Antonio Centeno, un activiste tétraplégique très important en Espagne, à tel point qu’il a souhaité rencontrer le réalisateur dont il savait qu’il s’apprêtait à réaliser un film sur la sexualité des personnes handicapées.
Cette seconde rencontre a été déterminante dans la réalisation du projet.
Si « Vivir y oltres fictiones » réduit la frontière entre la fiction et le documentaire c’est que Jo Sol qui est à la recherche de la «vérité» se soucie peu que le film qu’il est en train de réaliser aille plutôt dans une direction narrative que dans une autre.
Pour lui, il s’agit de bousculer la réalité, de l’attaquer afin d’extraire du sujet abordé,l’essentiel et de trouver la «note» juste.
Selon Jo Sol, le film qui a résulté est autant son œuvre que celle d’Afra Rigamonti, la directrice de la photographie et monteuse.
Il considère que si c’est lui qui a rencontré les bons personnages, si c’est lui qui a manipulé l’histoire, c’est elle qui a su capturer les moments les plus forts et notamment ceux qui ont trait à l’intimité des personnages.
Et si l’on y voit sans être nullement choqués ni voyeurs des scènes crues où les «corps différents» sont montrés dans leur intimité, c’est que cette intimité est montrée dans la normalité du quotidien.
Et c’est peut-être, la bonne place de la camera qui fait que dans ces moments-là, plus qu’on corps nu, ce que l’on voit c’est un corps saisi de plaisir, à la fois désirable et fragilisé.
Et si ces personnes mutilées, privées d’autonomie et qui, en perdant l’usage de leurs jambes sont condamnées à ne plus danser ou courir, elles peuvent encore prétendre à avoir une vie à vivre.
Jo Sol, en évitant de porter sur ses personnages un regard de compassion et en écartant de son propos un militantisme pesant, garde de bout en bout de son film, le cap de ses intentions de vérité et de sincérité.
Et « Vivir y oltres ficciones » est, en même temps qu’un témoignage nécessaire, un essai cinématographique sur la solidarité et la rencontre heureuse de deux hommes marginalisés : l’un à la recherche d’une place dans la société après une longue parenthèse en hôpital psychiatrique et l’autre privé de l’usage des ses jambes qui met en place un projet d’assistance sexuelle pour personnes handicapées.
Un film aussi rugueux que chaleureux, aussi pragmatique que poétique….
Francis Dubois
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