Pendant plus d’un mois, un groupe d’une quinzaine de personnes, des hommes, des femmes de tous âges, retraités, étudiants, chômeurs, précaires, vont former une équipe de vendangeurs.
Quelles sont les raisons qui les ont amenés à ce travail saisonnier qui était il y quelques années à peine, réservé à une main d’œuvre étrangère.
Elles sont multiples.
Ils sont là pour des raisons économiques même s’ils ne sont rétribués qu’au smic horaire mais également pour pratiquer une activité en plein air, pour trouver un remède à une solitude qui est souvent le lot des laissés pour compte de la société, dans un groupe qui aura tout juste le temps de mettre en place quelques contacts.
En l’espace de quatre ou cinq semaines de cette activité contraignante mais joyeuse, ils vont se couler dans une vraie vie communautaire et puisqu’il n’y a pas d’engagement à long terme avec l’autre, pouvoir se montrer sous un jour flatteur et donner d’eux une image positive à laquelle ils vont peut-être finir par croire, jusqu’au moment de la fin du contrat qui va les renvoyer, chacun, à la réalité de son existence.
David est un grand gars solide, attentionné généreux. Marié, père de deux jeunes enfants, il est saisonnier par choix et multiplie les engagements sur l’année. C’est, de toutes les personnes qui constituent le groupe des vendangeurs, celui qui sans doute, se montre sous son vrai jour, sans composer. Car une vie de famille stable et un mode de vie qui est son choix le met à l’abri d’une solitude qui semble être le lot de presque tous les autres.
« Vendanges » est un film engagé qui fait état (au cours d’une parenthèse joyeuse mais illusoire) du problème touchant des individus qui après avoir connu, pour la plupart d’entre eux, des jours meilleurs, se débattent dans des difficultés économiques mais également humaines quand une marginalisation les tient à l’écart d’une vie sociale.
C’est cet état de solitude, de désarroi parfois, qui transparaît en filigrane tout au long du film et donne, derrière les moments de fous-rires et de bonne humeur, son poids et sa dimension politique au film de Paul Lacoste.
Car, bien que masquée par le contexte et par le souci chez chacun de donner une image positive de soi, cette solitude est bien présente qui sera confirmée dans les dernières séquences du film, quand chacun aura retrouvé la réalité de son existence.
Le film aura commencé avec le plein été, sa lumière éclatante. Il s’achève sur des paysages brumeux et hivernaux qui confirment le désarroi et la nostalgie des personnages qu’on y aura croisés.
Sous son apparence de reportage, « Vendanges » devient très vite, au fil des conversations même les plus anodines, en dépit de sa jovialité et de moments drôles, un constat politique qui dresse une facette de la condition de vie des précaires.
Francis Dubois
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu