Un vingt quatre décembre, Madeleine une dame de soixante-dix sept ans, trouve sur le pas de sa porte un marcassin dont la mère a certainement été tuée par des chasseurs. Elle réchauffe le bébé sanglier et lui prépare un biberon mais elle ne sait pas encore que Toto va accompagner pendant quelques mois ses vieux jours et tant pis si, en gardant chez elle un sanglier, elle est déclarée hors-la-loi.
Comme Madeleine, Vincent est un habitant de la région de Vattetot-sur-mer. Cet amoureux des singes prépare un voyage en Inde dans une région où ces animaux font partie du quotidien des habitants et où leur présence familière ne provoque ni peur ni répulsion.
Joseph, le compagnon de Vincent, souffrant est obligé de supporter chaque nuit un appareil d’assistance respiratoire, un traitement qui provoque de nombreux rêves et notamment ceux où apparaissent des chats, une espèce dont il nourrit un vrai troupeau chaque jour mais sans rechercher le moindre contact avec eux.
Lorsque Pierre Creton était enfant, il avait posé avec son père et d’autres chasseurs devant le corps d’un chevreuil qu’ils venaient d’abattre. Cette image l’a longtemps poursuivi et, en réalisant « Va, Toto» véritable hymne à la nature, il célèbre un rapprochement nécessaire entre l’homme et les animaux.
Mais le film, s’il centre son récit sur l’histoire de Toto depuis qu’il apparaît, minuscule marcassin espiègle et heureux de vivre jusqu’à son «placement» dans une réserve, sur l’épisode en Inde où Vincent va s’installer au milieu des singes, ne se limite pas aux anecdotes, pas plus qu’il ne porte un regard angélique sur les animaux et sur les relations qui peuvent s’établir entre eux et les hommes.
Le film est ailleurs. Il est aussi dans les interstices du récit pour créer une sorte de chronique paysanne à la fois vivifiante et vaguement nostalgique, un peu comme si ce que le film nous donne à voir de la campagne était une des dernières visions qu’on pouvait en avoir.
Les chemins de terre, les sous-bois, les crêtes cramoisies de coqs et poules, la placidité de sentinelle du chien, les fleurs du jardin, les tonnelles, les herbes folles, la chaleur d’un voisinage et tout ce que le film de Pierre Creton inclut d’opportunités : Sabine Haudepin qui vit à proximité, échange avec Madeleine dont elle est l’amie. Elle fait un bref crochet dans la fiction du film, tout comme Catherine Mouchet lisant Elisabeth de Fontenay et apparaissant un peu plus tard comme une aubergiste, Xavier Beauvois, endosse pour quelques instants le costume d’un conseiller municipal du village au moment où celui-ci délibère sur le cas de Madeleine élevant illégalement chez elle un marcassin, animal réputé nuisible.
Et si les relations entre les personnages du récit restent le plus souvent floues et si l’on a pu s’interroger sur celles qui unissent dans un voisinage proche Vincent et Joseph, les scènes finales situées dans un sauna pour hommes, éclairent avec une douceur chorégraphique sur une intimité homosexuelle.
On ne raconte pas « Va Toto» , on va le voir pour se faire sa propre opinion de ce film rare, poétique sorte de mirage réaliste d’un monde en bout de course mais encore très tonique.
Une pépite, un joyau….
Francis Dubois
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