A l’occasion des 70 ans de la décentralisation dramatique, sortira au Saint-André-des Arts, le mercredi 10 janvier 2018, le film de Daniel Cling qui témoigne, par la présence à l’écran de plusieurs de ses fondateurs (qu’il s’agisse d’images d’archives ou de rencontres frontales). L’objectif commun a été d’apporter le spectacle vivant auprès de ceux qui en étaient éloignés ou pour de simples raisons géographiques, totalement exclus.

Portée avec la même conviction et le même enthousiasme par des comédiennes et des comédiens, des metteurs en scène, des techniciens, des auteurs, du public et des élus, la décentralisation théâtrale fut pionnière et plurielle, vivante et populaire.

Le film de Daniel Cling nous raconte à travers de nombreux témoignages passionnants et souvent émouvants, des images d’archives largement évocatrices, des documents inédits ayant trait à ce qui fut dès le lendemain de la guerre une aventure unique, humaine, artistique, sociale historique et politique.

Cinéma : une aventure théâtrale
Cinéma : une aventure théâtrale

Entamé au milieu des années quarante, ce mouvement qui a beaucoup évolué au fil des décennies et en fonction du renouvellement de ses acteurs, est contemporain de la création du Théâtre populaire incarné par Jean Vilar fondateur de «La semaine d’art dramatique» à Avignon et nommé à la tête de Chaillot en 1951 par Jeanne Laurent, sous-directrice du spectacle et de la musique au Ministère de l’ Éducation nationale.

Cette même Jeanne Laurent qui va confier les clés entre 1946 et 1952 à des troupes issues du théâtre amateur, inspirées par le travail de Jacques Copeau et qui vont s’implanter à Colmar, Saint-Étienne Aix en Provence, Rennes et Toulouse.

Au début des années 60, sous l’impulsion d’André Malraux, les premières Maisons de la Culture ouvrent leurs portes. 1968 et l’arrivée au pouvoir des socialistes en 1981 marquent de nouvelles étapes en ce sens.

Le film de Daniel Cling qui fait intervenir plus de trente-cinq «témoins» de la décentralisation ne devait pas, pour le réalisateur, se limiter à une énumération, un catalogue, mais se présenter sous la forme de rencontres conviviales avec un seul et même interviewer.

Le comédien Philippe Mercier qui était lui-même un acteur à cette époque et impliqué dans le mouvement, était un choix «légitime» pour assurer la liaison entre les séquences.

Les témoins, qu’ils interviennent en direct ou par le truchement d’images d’archives, sont Hubert Guignoux, Pierre Val, Roland Bertin, André Steiger, Christian Schiaretti, Aristide Demonico ou Robert Abirached, Jean-Louis Hourdin, Hélène Vincent, Jean-Pierre Vincent….

Certains intervenants ont apporté leurs témoignages quelques mois avant de disparaître comme Roger Planchon, Isabelle Sadoyan , Patrice Chéreau ou Françoise Bertin. Leurs interventions auraient manqué pour traduire les idéaux et la passion de la mission des troupes (pour elle, la Comédie de Saint-Étienne) dans laquelle cette génération a cru.

« Une aventure théâtrale » est un film d’une grande vivacité. Il est utile pour se souvenir ce qu’a pu être le théâtre de troupe travaillant dans des conditions le plus souvent rudes, avec des comédiens qui, en retour de leur engagement et de leur peine, animés du seul plaisir de créer et de jouer, pouvaient se contenter du gîte et du couvert.

Daniel Cling a mis dans sa mise en scène et dans le montage du film, la même énergie, la même passion que celle qui a habité au film des années, tous ces saltimbanques…

Aujourd’hui le théâtre « bourgeois » occupe les plateaux et là où Bénedetto utilisait des accessoires miniature pour figurer un train ou un avion, on installe sur scène une rutilante automobile, ce sont de grands couturiers qui habillent les comédiens et certains dispositifs scéniques pharaoniques montrent que le fossé s’est bien creusé entre « le riche et le pauvre. ».

Superbe pour rêver, se souvenir et rendre hommage à ce vrai théâtre dont il reste encore quelques traces.

Et à conseiller vivement à tous les pédants de la profession pour prendre un leçon d’humilité de rayonnement et d’efficacité.

Une occasion de rendre hommage à Jack Ralite qui a œuvré au fil des postes qu’il occupa à perpétuer l’idée d’un théâtre pour tous.

Francis Dubois


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