Djibi et Ange, deux adolescents offerts à la rue, ont été accueillis à l’Archipel, un centre d’hébergement d’urgence au cœur de Paris.
Après un premier documentaire écrit à quatre mains, « Des clés dans la poche» sur des personnes à la rue qui se reconstruisent en Auvergne, les deux réalisateurs prennent connaissance de l’existence de l’Archipel qui, après avoir hébergé l’Institut National de la Propriété Industrielle, est devenu, avec la crise et pendant une période intermédiaire, un canot de sauvetage pour les réfugiés de la rue.
Ce lieu est devenu depuis un bateau-pilote de l’ innovation sociale en inventant une autre manière de prendre en charge les sans domicile.
Bien sûr, cet endroit qui accueille le plus souvent des familles composées d’une mère et de ses enfants n’est pas luxueux ni toujours confortable mais on est cependant loin des centres d’hébergement relégués au bout d’une ligne de métro aléatoire puisque situé en plein centre-ville de sorte que les hébergés ont toute latitude pour faire des démarches administratives et envisager une vie après.
Finalement Eric Piliez et les travailleurs sociaux ont dû rendre les clés du lieu au cours de l’été 2016, pour laisser la place à d’autres, à meilleure destination pour valoriser cette entreprise exceptionnelle qui aurait plus sa place au cœur du 8ème arrondissement de Paris !
Les enfants représentaient la force vive de l’Archipel. Entre tous, les réalisateurs ont choisi deux adolescents, une fille et un garçon, accompagnés chacun d’un de leur parents.
Djibi vit seul avec sa mère et Ange seule avec son père. Ils sont collégiens et pour rester «crédibles» vis à vis des autres élèves tiennent secret leur lieu de vie et disent habiter au 115.
Leur existence chaotique (Je suis un serial déménageur, dit Djibi) les ont pourvus d’une grande maturité mais ils ont pu garder leur part d’enfance et la vie, vue à travers le prise de leur regard, a quelque chose d’inédit.
A l’Archipel, différents ateliers leur étaient proposés. Ils ont choisi un atelier d’écriture et de chant qui les amène à composer des textes de chansons que met simultanément en musique une animatrice musicienne.
Et, en plus de cela, Djibi rédige des articles-témoignages qui vont être incorporés à un article de fond sur le sujet des enfants sans domicile qui sera publié dans « Libération».
Pour une fois, on leur donne la parole. Pour une fois, ils ont une voix. Ils ne vont pas seulement témoigner mais réfléchir, soumis qu’ils sont à une parole construite, élaborée, assumée et qui ouvre sur l’introspection.
La publication des articles de Djibi vont lui permettre de se dépasser et d’accéder à une vraie reconnaissance. Et Ange, à travers les chansons, va se sentir écoutée, valorisée.
La voix, l’humour et la réflexion de Djibi portent l’ossature du film tout comme la personnalité plus secrète d’Ange et les séquences finales de « Un jour ça ira » atteignent les sommets d’une émotion légitime.
Des films comme ça, il en faut encore et encore. Mais ce qu’il faudrait surtout c’est que ce genre de cinéma touche un public plus large.
Il pourrait permettre à beaucoup d’ouvrir les yeux et d’avoir un avis personnel et nuancé si un sujet qui nous est si bien dicté par les médias…
Francis Dubois
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