Alain, la petite cinquantaine n’a consacré sa vie qu’à ses fonctions et ambitions professionnelles.
C’est un homme d’affaires efficace et un orateur brillant. Tout le promet à un avenir tracé d’avance jusqu’au jour où il est victime d’un accident cérébral qui va porter préjudice à l’expression de la parole, à son éloquence et à sa mémoire.
Jeanne est la jeune orthophoniste qui est chargée de la rééducation d’Alain afin qu’il puisse, dans des délais très courts, assurer une intervention publique importante.
Les progrès qu’il a réalisés, si remarquables soient-ils, ne vont cependant pas suffire pour convaincre les membres de direction qui prennent brutalement la décision de licencier leur collaborateur. Alain est laissé sur le flanc.
Il ne retrouvera jamais un poste à hauteur de ses compétences passées et son handicap, même s’il peut envisager une amélioration progressive de son état, risque de lui interdire toute reconversion.
Pour refaire surface et se reconstruire, il lui faut trouver de nouvelles orientations à son existence et par là même, renouer avec les choses simples et le concours de ses proches qu’il a trop souvent tellement négligés.
Après avoir fait équipe avec Géraldine Nakache sur «Tout ce qui brille » et « Nous York », Hervé Mimran se retrouve en solo sur la mise en scène d’ «Un homme pressé».
C’ est à la suite d’un article de journal dressant le portrait d’un ancien grand patron qui, à la suite d’un AVC, s’était retrouvé démis de ses fonctions en deux heures de temps, que Hervé Mimran et son producteur ont eu l’idée d’écrire un film sur le sujet.
Le point essentiel du récit serait la reconstruction du personnage, d’un homme qui n’a connu que la course au succès, à l’argent, à la réussite et qu’aucun obstacle n’a jusque là empêché d’avancer, qui est devenu le maillon essentiel de l’entreprise et qui a négligé pendant tout ce temps de réfléchir sur l’existence et sur lui-même.
Tout dans les scènes d’ouverture du film laisse présager un drame humain mais très vite, quand, au cours de la première visite que lui font ses proches, alors qu’Alain tient des propos incohérents, sa gouvernante éclate de rire face à l’absurdité des paroles, on prend la mesure de ce que sera en réalité la tonalité de cette histoire et qu’elle échappera à la noirceur.
Car si Alain souffre de ne plus disposer de toutes les facultés qui en faisait un homme brillant, autour de lui, un certain nombre de personnages ont la charge de maintenir le film à un niveau de comédie : la gouvernante et ses préparations culinaires déjantées ou le jeune infirmier de l’hôpital aux ressources d’optimisme inépuisables.
Alain, lui même quand il s’exprime et emploie, quand ce n’est pas un mot pour l’autre, des contorsions phoniques, dégage une certaine fantaisie.
Car, en chahutant la sonorité des mots, n’est-il pas en train de prendre une liberté par rapport à ce qui a fait sa notoriété mais l’a cantonné dans une sorte d’esclavage doré, de se libérer de son carcan et de découvrir la part de fantaisie de l’existence.
Alain découvre le plaisir de prendre un café attablé au bistro du coin, celui de considérer les allées et venues dans les rues, la chaleur de la compagnie de son chien, de prendre la mesure de la part qu’a sa fille dans sa vie.
Fabrice Luchini était l’interprète idéal pour le rôle. Il manie les dérapages phoniques et le langage approximatif avec la même maestria que quand il aborde les grands textes.
Sa présence (et celle de quelques seconds rôles savoureux) aident à surmonter les quelques maladresses que compte le film, notamment dans sa construction.
Francis Dubois
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