Dans l’Argentine du début des années 1960, quelques semaines après la perte de son mari et de son frère dans un accident de la circulation, Luisa auprès de ses deux petites filles, revient doucement à la réalité.
Lorsqu’au cours d’une réunion, elle fait la connaissance d’Ernesto, loin d’elle est l’idée d’envisager un avenir avec un autre homme.
Pourtant très vite ce célibataire endurci non sans charme rêve d’offrir un cadre de vie rassurant à la jeune veuve et à ses deux enfants.
Luisa en pleine souffrance ne sait comment gérer les avances de cet homme même s’il ne lui est pas indifférent.
Alors qu’elle a besoin de temps, Ernesto très amoureux agit en homme pressé.
Si dans les premiers temps il se montrait prévenant et attentif, il devient bientôt insistant, envahissant et étouffant.
« Un homme charmant » est un film sur le temps du deuil et Ariel Rotter réussit avec beaucoup de sensibilité, par une construction virtuose, le tracé jonché d’obstacles par lequel la jeune femme doit passer pour atteindre le point de transition à partir duquel elle pourra peut-être envisager de se projeter dans une nouvelle vie.
Le chemin est d’autant plus difficile qu’elle se trouvait tellement abattue de chagrin au moment de l’accident qu’elle n’a pas pu voir le corps de son époux (et de son frère) avant l’enterrement et que le deuil n’en aura été que plus difficile.
Si Luisa subit la pression d’Ernesto, son insistance à répondre à son amour, elle doit faire face aux pressions de sa mère qui la pousse à répondre aux avances d’un homme en qui elle voit le partenaire providentiel pour repartir dans la vie.
Aujourd’hui encore et plus encore à la période où se situe le récit, la conception de ce que devait être une famille saine et réussie comprenait obligatoirement une présence masculine, paternelle non seulement comme source de revenus mais aussi comme une figure propre à garantir le confort, l’équilibre et la bonne éducation des enfants.
A travers un constat de la condition féminine de cette époque en Argentine et le portrait de la classe moyenne de la société, le film dénonce les contradictions qui peuvent surgir au seul objectif de rejoindre une normalité sociale.
Pour Luisa, l’énergie que le prétendant développe est à la fois oppressante et attirante. Et bien qu’elle soit profondément liée à son mari, elle n’est pas indifférente au retour à un cadre de vie conventionnel répondant aux exigences d’une société cadenassée par ses codes.
S’il est un film qu’on ne peut imaginer autrement qu’en noir et blanc, c’est bien « Un homme charmant « .
Le noir et blanc donne profondeur au récit et à la réalité, une dimension de mystère. Il illustre parfaitement le fait que les meilleurs sentiments peuvent distiller un machiavélisme « ordinaire » et destructeur.
Un très beau portrait de femme dans la tourmente.
Francis Dubois
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