Le colis qu’elle avait adressé à son mari incarcéré revient à une femme sans qu’aucune raison lui soit donnée. Inquiète et complètement désemparée, elle décide de se rendre dans la prison où il se trouve au fin fond de la Russie, pour obtenir une explication.

Le voyage qu’elle effectue pour cela et le séjour à proximité de la prison seront ponctués de tracasseries administratives, d’humiliations et de violence.

Cinéma : Une femme douce
Cinéma : Une femme douce

« Une femme douce» est le récit d’une bataille absurde mais obstinée que mène une femme contre une forteresse impénétrable.

Le film de Sergei Loznitsa a peu de choses à voir avec la nouvelle de Dostoïevski et avec le film que Robert Bresson en avait tiré, en dehors de la similitude du titre.

Si les souffrances propres à un personnage sont au centre du sujet, la «femme douce» décrit surtout un espace, un habitat dans lequel des créatures sont forcées d’exister

On ne sait quasiment rien de l’existence antérieure de l’héroïne. Les seules indications sur elle sont données par sa façon d’être et d’évoluer dans cet espace-là.

L’héroïne n’est pas plus une rebelle qu’une femme douce. C’est une femme passive qui se laisse ballotter, qui a pris son parti de la situation où elle s’est mise mais qui ne perd pas pour autant de vue l’objectif qu’elle s’est fixé.

Sergei Loznitsa a mis en place la métaphore d’un pays où les gens réduits à la passivité s’auto-violentent, pris dans une spirale par l’hypocrisie, le mensonge, une parfaite omerta d’un côté, et de l’autre le déroulement de choses horribles qui se passent au quotidien dont on est la victime ou le témoin et face auxquelles on reste impuissant.

La façon dont le personnage accepte de faire tout ce qui lui est demandé relève à la fois de cette impuissance à opposer la moindre réticence qui se solderait par des représailles mais peut-être également d’une stratégie qui serait la seule façon de désamorcer les violences et humiliations

dont est capable celui en face, qui est détenteur du moindre petit pouvoir.

Il y a d’un côté, la victime et de l’autre une hiérarchie de petits chefs redoutables chacun à son niveau, jaloux de son pouvoir et qui contribuent à tisser une sorte de piège auquel il est difficile d’échapper.

Le récit est constitué de séquences où le personnage est de plus en plus pris dans une spirale où elle est submergée, où en dernier lieu, la passivité tient lieu de résistance.

Et c’est sans doute pour créer une rupture dans cette atmosphère irrespirable que Sergei Loznitsa donne sur la fin à son film, une bifurcation inattendue.

Une longue et étrange séquence fait basculer le film dans une sorte de surexposition onirique où défilent des personnages récurrents du récit pour une série de monologues étranges face à l’héroïne, le corps pris dans une robe blanche qui pourrait signifier de curieuses noces et augurer d’une issue favorable.

Le récit bascule dans le rêve et le style du film change radicalement. Du réalisme, on passe subitement à l’humour, au grotesque et à une distanciation qui est, au milieu du sommeil, de la jeune femme, un réflexe d’autodéfense et de libération.

Dans de nombreux domaines, le pouvoir en place aujourd’hui continue à appliquer des méthodes bolcheviques et dès qu’on a franchi la ligne qui sépare l’humain du non-humain, il devient impossible de faire demi-tour. Il ne reste alors plus, comme seule issue, de poursuivre dans l’inhumain.

Une œuvre forte et désespérée…

Francis Dubois


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