A la fin du dix-neuvième siècle, un colon portugais inexpérimenté et son assistant débarquent dans un coin reculé du fleuve Congo avec comme projet d’ installer un avant-poste commercial et de civiliser les colonies.
Le temps passe et les difficultés des deux hommes à tirer profit du trafic d’ivoire les découragent de plus en plus.
Égarés au cœur de la jungle, leur isolement est renforcé par une méfiance qui grandit face à des autochtones à la présence sinon hostile, du moins inquiétante.
Bientôt, opposés l’un à l’autre, les deux hommes guettés par la folie, entameront une véritable descente aux enfers…
Depuis des années, le réalisateur Hugo Vieira de Silva avait le projet de tourner un film en Angola et c’est à la suite de la lecture de la nouvelle éponyme de Joseph Conrad, une œuvre puissante sur la colonisation, qu’est né le projet de «Un avant-poste du progrès».
Il a réinventé cette histoire dans le contexte colonial portugais dont le rapport à cette région datait de quatre-cents ans, pour explorer la présence portugaise au Congo à travers l’aventure Joao de Manos et Sant’anna qui, découvrant un lieu d’incompréhension, finissent par rester à la traîne de leur projet initial.
Il a reconduit la complexité de la relation coloniale présente dans la nouvelle de Conrad dont le sujet fondamental était l’illusion d’une communion des cultures.
Le réalisateur a mis en place deux négociants portugais du 19ième siècle, vaguement civilisateurs et en même temps, conformes aux courants européens de l’époque, portés par les mythologies coloniales bien ancrées dans les esprits.
Ils sont à la fois des colons et se défendent d’être considérés comme tels ; une situation qui les plonge avec un passé de quatre-cents ans de civilisation, dans une schizophrénie propice à un processus de répression et de déni.
«Un avant-poste du progrès» est un film sur le colonialisme, sur d’aventureux explorateurs dans l’Afrique du 19ième siècle et sur les tentatives de missions civilisatrices européennes mais, en évitant tous les clichés qui, en général, marquent un tel sujet cinématographique, il est ici, un film intimiste, un huis-clos tourné en Afrique, un continent auquel on associe habituellement des images de grands espaces, de jungles impénétrables et de territoires sans limites.
Dans la nouvelle, la jungle de Joseph Conrad apparaît comme une petite scène de théâtre ou les malentendus et les ambiguïtés de la relation entre colons et colonisés sont présentés comme un jeu de cache-cache dans lesquels les personnages des africains atteignent à une certaine subjectivité.
Et Hugo Vieira de Silva a réduit les espaces pour retrouver l’aspect théâtral du récit.
C’est ainsi que les chefs locaux africains se présentent sous des noms de nobles européens et vêtus d’habits de cour.
«Un avant-poste du progrès» est à la fois un film brut, rugueux, élégant et raffiné qui se caractérise, en dehors de la scène où s’opposent physiquement les deux protagonistes pris de démence, par l’absence d’épisodes saisissants et cette langueur dont sont saisis les deux hommes inactifs qu’on sent progressivement gagnés par l’angoisse d’une attente indéfinie et doucement ravageuse, installe une atmosphère pesante qui annonce le drame.
Une œuvre personnelle qui, pour être traitée dans une certaine lenteur narrative, n’en est pas moins passionnante.
Francis Dubois
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