Soudan, dans la province d’Aljazira, à notre époque.

Lorsque Sakina présente Muzamil, son nouveau né, au chef religieux du village, celui-ci prédit que l’enfant mourra à vingt ans . Le père qui ne peut supporter le poids de cette menace s’enfuit laissant Sakina élever seule son fils. Celle-ci couve Muzamil de toutes les attentions tout en tentant de maîtriser son angoisse. Un jour Muzanil atteint l’âge de dix neuf ans.

Il n’existe aucune industrie cinématographique au Soudan. C’est pourquoi il faut saluer ce premier film totalement abouti d’un jeune cinéaste de trente sept ans qui a découvert le cinéma un jour où il a assisté à la projection d’un film de Youssef Chahine. Passé par le théâtre en tant qu’acteur et dramaturge, il n’abandonne jamais l’idée que le cinéma sera pour lui le moyen de répondre à son potentiel créatif. A l’aide d’une caméra que l’Université de Dubaï mettait à la disposition des étudiants, il réalise ses premiers courts-métrages. Son dernier court métrage, «  Studio » est supervisé par Abbas Kiarostami qu’il rencontre par hasard dans un atelier et qui lui a appris qu’au cinéma, la technique compte moins que l’humain. 

Cinéma : Tu mourras à vingt ans
Cinéma : Tu mourras à vingt ans

«  Tu mourras à vingt ans » allait se tourner au Soudan et être coproduit par de nombreux pays comme le France, l’Égypte, l’Allemagne la Norvège ou le Qatar. avec la collaboration de quelques comédiens soudanais, de nombreux non-professionnels mais avec une équipe de techniciens chevronnés de renommée internationale. Mais si les chefs de postes étaient étrangers, leurs assistants étaient tous soudanais .

« Tu mourras à vingt ans » e st un film lumineux à tous les sens du terme dont on à l’impression que chaque plan, chaque image sont essentiels.

Une sorte de puzzle narratif qui donne au final une œuvre totalement aboutie et cohérente. C’est un récit à fleur de peau à la fois d’une grande sensibilité et d’une grande pudeur avec de personnages économes de mots mais au jeu intense.

L’image est magnifique sans pour autant céder à l’esthétisme tout comme à aucun moment le film ne cède au folklore alors que le récit s’y prêtait notamment dans les séquences où se déroulent des fêtes ou rassemblements traditionnels.

Le film est inspiré de la nouvelle d’un écrivain et activiste soudanais dont l’histoire rimait avec l’enfance du réalisateur, sa peur de la mort latente, le refus de se baigner.

Il a été tourné dans le village où vivait sa famille, sans que le décor n’ait été retouché et pour une plus grande authenticité, il a habillé certains personnages comme Sakina ou la vieille femme du village, avec les mêmes vêtements que ceux que portaient sa mère ou ses tantes.

Si «  Tu mourras à vingt ans  » est une fable sur ce qui empêche les gens de vivre pleinement leur vie et comment une forte croyance peut affecter le déroulement d’une existence et comment la foi peut être instrumentalisée politiquement.

Puisque Muzamil doit mourir avant d’atteindre l’âge d’homme, quel intérêt pour lui d’aller à l’école quand, au lieu de se perdre dans la lecture de livres, dans sa situation, il peut tirer meilleur profit de l’unique lecture du Coran.

Muzamil survivra-t-il au-delà des prédictions du chef du village ?

Un personnage d’intellectuel solitaire qui va l’ouvrir à des domaines inédits sera-t-il son sauveur ?

Un récit fascinant. Le premier film d’un cinéaste plus que prometteur qui fait d’un coup d’essai, un coup de maître.

Francis Dubois


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