De nos jours, à Marseille, des réfugiés fuyant les forces d’occupation fascistes, rêvent d’embarquer pour l’Amérique. Parmi tous ces hommes et femmes en transit, l’allemand Georg se retrouve par hasard en situation de prendre l’identité de l’écrivain Veidel qui s’est suicidé pour échapper à ses persécuteurs. Il va profiter du visa que possédait Veidel pour tenter de rejoindre le Mexique.

C’est alors que Georg croise Marie, une jeune femme mystérieuse à la recherche désespérée de l’homme qu’elle aime et sans qui elle a décidé qu’elle ne partirait pas.

Georg propose à Marie et au médecin dont elle est la compagne, de les faire bénéficier des visas dont il dispose. Mais qui est énigmatique jeune femme qui refuse la proposition unique et désintéressée qui lui est offerte ?

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«Transit » est l’adaptation du roman éponyme que l’écrivaine Anna Seghers publie en 1944. L’action se situe en 1940 et met en scène des déserteurs, juifs, écrivains, artistes et opposants au nazisme, tous pourchassés par la Wehrmacht et qui se retrouvent acculés sur les bords de la méditerranée en attente d’un hypothétique embarquement vers la liberté.

Le narrateur de «Transit» est de ceux-là et, comme les autres, pris dans une véritable souricière, il est soumis à l’absurdité administrative et au pouvoir abusif des passeurs.

Christian Petzold avait écrit, en collaboration avec Harun Farocki, «Phoenix» qui était un film historique situé dans la même époque que « Transit».

Le premier synopsis de l’adaptation du roman d’Anna Seghers fut de la même façon, pensé comme un film historique.

Mais, lorsque après la mort d’Harun Farocki, Christrian Petzold a repris le projet, il n’a plus eu du tout envie de réaliser à nouveau un film historique, de reconstituer une époque.

Il y avait assez de réfugiés partout dans le monde et dans une Europe où les nationalistes ressurgissent, qu’il n’était pas nécessaire de revenir en arrière.

Et tout à coup, cela lui est apparu comme une évidence que les personnages qui habitent le roman d’Anna Seghers et les décors qui leur servent de cadre pouvaient être contemporains, puisqu’en soixante-dix ans, les situations étaient malheureusement restées inchangées.

Marseille (et le quartier du Panier où a été tournée une partie du film), pouvait apparaître comme une ville intemporelle à laquelle il y avait peu de choses à modifier.

Christian Petzold réussit ce magnifique glissement d’une époque à une autre et le choc qui aurait pu être difficile à établir entre les années 1940 et la Marseille d’aujourd’hui se fait dans une grande fluidité.

Il a renoncé au récit à la première personne du roman et opté pour une voix off selon l’argument qu’au cinéma, un texte à la première personne ne s’adresse pas à un sujet solitaire mais à l’espace des spectateurs.

Dans « Transit» , le narrateur pourrait être quelqu’un à qui Georg à raconté l’histoire et qui, à son tour, nous la restitue.

Georg est un usurpateur d’identité. Une ombre plane au-dessus du personnage partagé entre l’acte répréhensible auquel il s’est livré et cette générosité qui le caractérise. Et le comédien Franck Rogowski qui l’interprète lui apporte autant de lumière que d’ombre, autant de présence que d’effacement. Et le résultat est magnifique.

Christian Petzold a laissé aux personnages secondaires tout leur mystère pour certains et toute leur transparence pour les autres et « Transit » est tout autant un film d’amour qu’un film sur le problème migratoire, sans qu’à aucun moment l’un gagne sur l’autre. Et le format «cinémascope» place les personnages dans de très beaux mouvements chorégraphiques qui contribuent à la fluidité du récit.

Un très beau film à ne pas manquer.

Francis Dubois


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