Rabih est un jeune chanteur aveugle dont le talent n’est pas loin d’être reconnu.
Avec sa chorale, il est invité à aller se produire sur des scènes européennes. Mais au moment de faire établir le passeport qui va lui permettre de passer les frontières, il découvre que sa carte d’identité est un faux et qu’il n’est pas le fils biologique de ceux qu’il a toujours considérés comme ses parents.
Le mensonge reconnu, ceux-ci laissent planer un mystère sur les circonstances d’une adoption clandestine, sur ses origines familiales et sur la nature de sa cécité.
Plusieurs raisons vont dorénavant amener Rabih à entreprendre des recherches qui lui permettront de régulariser sa situation vis à vis de l’état civil et de faire la lumière sur un passé qui lui échappe totalement.
Partant à la recherche de son identité, Rabih va découvrir un pays meurtri par les conflits, incapable de relater sa propre histoire.
La quête de vérité de Rabih sur ses origines l’oblige à s’enquérir d’événements spécifiques à la guerre libanaise de 1975 à 1990.
Mais au lieu des révélations tangibles qui lui seraient nécessaires pour résoudre son énigme, il doit faire face à des mythes, des fantasmes et des mensonges, autant de filtres qui déforment les faits pour que chacun évite de reconnaître la réalité d’une guerre pour s’en protéger ou s’en exonérer.
Le passé a tellement été refabriqué de toutes pièces en le manipulant ou en le dissimulant, que toute vérité des faits en est absente.
« Aucun compte-rendu de guerre officiel n’existe à ce jour au Liban et chaque communauté, livrée à elle-même, raconte et enseigne sa propre version de la guerre, perpétuant ainsi les vieilles rancoeurs au sein des nouvelles générations et l’accumulation de récits différents pour expliquer un même événement a fini par créer une grave crise de mémoire au Liban » explique Vatche Boulghourjian.
Cette crise de mémoire a fragmenté le pays et a exacerbé une situation déjà très fragile où même les faits qui devraient être évidents sont sujet à conflit.
C’est ainsi qu’en accompagnant Rabih dans ses recherches et en partageant ses tourments d’individu privé d’identité, « Tramontane » devient, par extension, l’introspection de tout un pays ne pouvant faire face à sa propre histoire.
Alors que Rabih souffre d’un réel handicap physique depuis la guerre, ceux qu’il croise souffrent d’un handicap spirituel et psychologique qu’ils n’arrivent pas à surmonter.
Ce sont ces souffrances à la fois visibles et invisibles que Rabih finira par admettre et qui le conduiront à une compréhension plus juste et à une acceptation de son existence.
Mais alors que le Liban continue de souffrir de cette crise identitaire et d’un manque d’unité depuis la fin de la guerre, il existe des liens culturels qui relient les différentes communautés. L’un de ces liens est la musique traditionnelle qui se trouve être la forme d’expression de prédilection de Rabih.
Si la mise en scène de Varche Boulghourjian, dans la première demi heure du film, parait hésitante à exposer clairement la situation, le reste de « Tramontane » en ne cessant de gagner en force et en ampleur, donne toute sa dimension à cet état des lieux douloureux qui a ajouté au martyr de la guerre, le martyr de la mémoire égarée.
Un film nécessaire pour l’éclairage d’un épisode particulièrement douloureux de l’histoire du Liban.
Francis Dubois
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