Angèle a grandi dans une famille de militants de gauche. Elle est de ceux qui avaient huit ans quand s’ouvrait le premier Macdonald’s de Berlin Est.
Aujourd’hui sa mère a abandonné du jour au lendemain son combat politique pour aller vivre seule au fin fond de la campagne et une de ses soeurs qui a choisi le monde de l’entreprise, a épousé un homme d’affaires.
Seul son père, ancien maoïste chez qui elle retourne vivre à la suite de déboires professionnels, est resté fidèle à des idéaux même s’il les vit dorénavant en sourdine.
Angèle est devenue une femme en colère qui se bat contre la malédiction d’être née trop tard et qui s’applique autant à essayer de changer le monde qu’à fuir les rencontres amoureuses.
A l’heure de la déprime politique mondiale, il semble ne plus rien rester de la révolution, de ses transmissions, des espors à construire.
Tantôt Don Quichotte, tantôt Bridget Jones, Angèle tente de donner un équilibre à sa vie.
En 2008, Judith Davis et sa Compagnie théâtrale « L’avantage du doute », crée un spectacle « Tout ce qu’il nous reste dela révolution, c’est Simon » qui traitait de sujets au croisement de sujets personnels et de sujets de société.
Ce premier spectacle était un geste inaugural pour une compagnie préoccupée par la notion d’engagement.
Le départ du travail fonctionnait sur la réalité de la troupe constituée de personnes de générations et de parcours différents. Un trait s’était tiré entre l’héritage des luttes des années 1960-1970 et la question de « Que faire aujourd’hui? »
Cependant si le film s’est fait avec des comédiens communs aux deux, le film « Tout ce qu’il reste de la révolution » n’est pas une adaptation du spectacle même s’il en prolonge l’esprit.
Angèle est une héritière et de ce point de vue, c’est un personage légèrement anachronique. Elle porte en elle l’engagement politique de ses parents de différentes façons : comme si elle devait respecter au point de les poursuivre les convictions de l’époque. Mais aussi plus comme un fantasme que comme une croyance.
Le trajet d’Angèle est de parvenir à mélanger les différentes échelles de la vie sans avoir la sensation de trahir. Pour elle, le privé peut aussi être politique. Et l’amour passe à la trappe de ses priorités.
Angèle et son père son très proches l’un de l’autre. Ils constituent un couple décalé de père-fille qui n’ont pas lâché leurs idéaux. Le père vit en HLM et complète comme il peut un minimum vieillesse dérisoire. La fille est en attente d’une réponse pour un projet d’urbanisme qu’elle a déposé dans le cadre du Grand Paris.
« Tout ce qu’il reste de la révolution » est un film attachant qui déjoue tous les écueils qui guettaient, peut-être par la sincérité et le naturel du propos.
Des séquences « piège » sont tournées à l’avantage du film comme cette visite des trois filles à leur mère qui aurait pu être filandreuse et angélique et qui donne au contraire des moments d’une vraie émotion.
Judith Davis, avec le personnage d’Angèle, dégage une vraie force.
Angèle est un magnifique portrait de jeune femme d’aujourd’hui. Elle nous embarque dans son sillage, tout comme le film.
Francis Dubois
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