Dans un sex-club homosexuel, au milieu d’une débauche d’étreintes et d’accouplements, dans la pénombre d’une back-room, Théo et Hugo se rencontrent, se reconnaissent, s’égarent en baisers et caresses, avant de faire l’amour.
C’est peut-être parce que ce lieu de consommation du sexe à tout prix ne leur ressemble pas, qu’ils décident d’en sortir pour une promenade nocturne à laquelle le charme de leur rencontre convient mieux.
Jusqu’au moment où Théo découvre qu’Hugo l’a pénétré sans protection alors qu’il est séropositif.
La grâce de la rencontre tombe lorsqu’ils se retrouvent en pleine nuit à l’hôpital pour un traitement d’urgence sensé faire barrage à une éventuelle contamination.
Pourtant, malgré la peur qui les saisit, ils décident de passer le reste de la nuit ensemble, à déambuler. Ils découvrent alors que leur attirance l’un pour l’autre n’était ni feinte, ni occasionnelle, que de vrais sentiments les submergent, que viennent confirmer des bavardages à bâtons rompus qui lèvent le voile sur ce qu’ils sont en dehors d’être deux amants.
« Théo et Hugo dans le même bateau … » s’ouvre sur une longue scène de débauche dans le dédale d’une back-room qui, loin d’être suggérée, montre sans détours des hommes de la pénombre saisis du désir physique les uns des autres. La caméra s’attarde sur ces accouplements comme elle filmerait un ouragan. De cette tempête de corps agités, de cette sorte de naufrage à la fois sublime et sordide, surgissent deux garçons dont le désir s’assortit d’une tendresse soudaine. Théo et Hugo se sont reconnus entre tous et ce moment de grâce où ils s’approchent est empreint d’amour.
Olivier Ducastel et Jacques Martineau entament ensuite, avec la consultation aux urgences de l’hôpital Saint-Louis, un épisode explicatif sur les risques de contamination par le VIH, sur l’échelonnement des analyses qui font suite à des rapports sexuels sans protection, sur la trithérapie d’urgence et ses effets secondaires, sur l’efficacité des traitements…
Cet épisode didactique était-il nécessaire ? Pouvait-il s’intégrer au déroulement d’une histoire d’amour, sans la réduire, par un propos trop technique ?
Les cinéastes font du risque de contamination, un élément inhérent à la passion amoureuse de tout couple. La naissance d’un amour est aussi l’histoire d’une prise de risque, risque de contamination mais également risque de voir naître un conflit qui pourrait être fatal à un authentique et foudroyant engagement amoureux.
« Théo et Hugo dans le même bateau » se déroule en temps réel. Le récit accompagne les deux protagonistes depuis le moment où leurs regards se croisent dans la back room au milieu de la nuit, jusqu’au petit matin, sans trop user des artifices de l’ellipse.
Entre temps, même si le récit rencontre de légères baisses d’intérêt, les cinéastes ont renoncé à y introduire aucune autre nouvelle tension dramatique que celle d’accompagner les deux personnages jusqu’au moment où on peut espérer que leur histoire d’amour continuera, que l’espoir va prendre le pas sur l’inquiétude.
La longue déambulation dans un Paris nocturne ponctué de quelques rencontres fortuites (un vendeur de kebabs, une dame charmante que rien, ni dans sa tenue, ni dans son propos n’indique comme une femme de ménage…) viennent confirmer un bonheur qui se lit sur les visages, un regard neuf sur le monde et sur la poésie du point du jour et du « premier métro »…
Dès lors, débarrassé de son propos parfois démonstratif, le film qui se livre tout entier au bonheur de la rencontre, prend un air de liberté, gagne en intensité et devient ce qu’il n’a sans doute jamais cessé d’être, une belle histoire d’amour.
Les deux comédiens inconnus jusque-là sont parfaits jusque dans leur maladresse. Leur complémentarité renforce l’émotion et l’authenticité d’un amour passion.
Francis Dubois.
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