Ramana est un tueur en série.
Raghavan est un jeune policier dont l’objectif qui vire à l’obsession, est d’arrêter le criminel.
Alors que la chasse est lancée, les crimes ne cessent de se multiplier.
Mais le destin des deux hommes ne serait-il pas plus lié qu’il n’y paraît ?
A l’origine, le projet de Anurag Kashyap était de réaliser le biopic du célèbre tueur qui a assassiné au total une quarantaine de personnes à Bombay dans les années 60.
Mais la reconstitution des années 60 était une entreprise très onéreuse.
C’est alors qu’Anurag Kashyap a fini par se servir du fait divers pour l’inscrire dans le contexte politique actuel, dans un récit qui ne s’intéresse plus uniquement à Raman Raghav mais à deux représentations du mal et à l’histoire d’amour qui les unit, au tueur et au policier qui partagent la même nature violente.
Le mal qui s’incarne dans la figure d’un criminel est plus facile à comprendre que lorsque, comme dans la société indienne actuelle, il s’incarne dans les institutions du pays ou sous couvert de la religion.
Car le film d’Anurag Kashyap s’attaque ici à tous les sujets qui gangrènent aujourd’hui la société indienne, l’inceste, la violence faite aux femmes, le poids pesant et oppressant de la tradition.
Ne pouvant aborder les sujets tabous prédominants de façon frontale, il intègre à son film les images d’une procession religieuse pour parler du poids de la tradition, celles de la relation violente qui unit la policier à sa petite amie pour aborder celui de la condition des femmes, celui des rapports entre le tueur et sa sœur pour aborder celui de l’inceste et des agressions sexuelles qui font partie du quotidien ce qui explique peut-être que l’Inde est le second pays le plus peuplé du monde.
Le film d’Anurag Kashyap est un thriller d’une grande violence même si toutes les scènes de meurtres se situent hors champ quand elles ne font pas l’objet d’ellipses.
Cette violence non montrée frontalement qui est laissée à l’imagination du spectateur, existe dans la société indienne en raison de la religion, de l’idéologie, de l’absence de liberté dont souffre le peuple mais de manière beaucoup plus sournoise. Car la violence dont parle le réalisateur et qui, sans doute atteint à son paroxysme avec le meurtre de la sœur du tueur et de sa famille, est le résumé d’une violence moins spectaculaire, moins visible mais tout aussi dévastatrice d’une société dont les actes détruisent jusqu’à l’innocence.
Avec la séquence de la course-poursuite dans le bidonville, Anurag Kashyap montre un visage de Bombay tel qu’il est rare de le voir dans les films.
Et la traversée de ce bidonville qui se trouve au centre d’une grande métropole reflète les conditions de vie d’un peuple démuni, sans argent, sans emploi et qui n’a souvent pas de quoi se nourrir.
Le film d’Anurag Kashyap qui a souvent la forme et les atmosphères d’un thriller est tout autant un état des lieux de l’Inde d’aujourd’hui tout en contrastes.
Son déroulement montre autant d’efficacité dans l’un ou l’autre des genres et si la distribution est brillante, on peut accorder une mention spéciale à Nawazzudin Siddiqui qui interprète le tueur et qui a la lourde charge de donner toute leur poids dramatique à des dialogues toujours à mi-chemin entre réalisme et déraison.
Francis Dubois
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