Comme chaque nuit, un poissonnier japonais part travailler au marché de la ville. Takara, son fils de six ans, souffre de ne voir que très peu son père parti tôt, rentré tard. Un matin que le gamin ne peut se rendormir, dans la maison silencieuse, il compose un dessin qu’il destine à son père et qu’il glisse dans son sac.
Au petit matin la silhouette fragile de Takara s’écarte du chemin de l’école et part à travers les paysages enneigés. Il entreprend dans un décor faussement féerique, un long périple pour rejoindre la ville et remettre le dessin à son père.
Damien Manivel et Kohei Irarashi se sont rencontrés au Festival de Locarno où ils présentaient leurs longs métrages respectifs. Quelques mois plus tard, leur décision était prise : ils allaient réaliser un film ensemble.
Damien Manivel voulait filmer la neige et Kohei Irarashi, travailler avec un enfant. Ils sont partis dans la région la plus enneigée du Japon, à Aomori et c’est là qu’ils ont rencontré Takara, un garçon de six ans bouleversant de fantaisie et de mélancolie.
Le père de Takara est poissonnier. Il se lève très tôt le matin pour se rendre au marché, rentre tard. La propre existence de Takara allait devenir le déclencheur du scénario.
« Takara » raconte une histoire simple, celle de l’amour d’un très jeune enfant pour son père dont il est trop souvent privé de la présence. Le jeune comédien engagé sur lequel repose la presque totalité du récit correspondait en tous points au personnage imaginé. Mais c’était un enfant hyperactif, souvent incontrôlable. Il allait falloir canaliser ses débordements d »énergie et le mettre sur le rail du cheminement plutôt contemplatif du personnage. C’est dans le but de «domestiquer» le jeune garçon incontrôlable que d’un commun accord entre les deux metteurs en scène, la décision a été prise de faire jouer toute sa famille dans le film.
« Takara » disposait, au départ, de deux atouts. Les magnifiques paysages enneigés de la région d’Aomori et la «présence» (peut-on parler de charisme quand il s’agit d’un enfant de six ans, et pourtant !) de Takara, son rayonnement, sa photogénie, la précision de sa gestuelle.
« Takara » est l’histoire de la mission que s’est donnée instinctivement un enfant déterminé à corriger le manque d’échange affectif avec son père auquel les circonstances de la vie le contraignent.
Seul dans les chemins enneigés, empruntant des raccourcis périlleux, voyageant seul dans un train, transi de froid (il perd en route, un de ses gants et plus tard son bonnet) épuisé de fatigue, trouvant asile dans une voiture, il ne démordra pas de son objectif. Même si le dessin a pu entre temps souffrir du voyage et des intempéries, il arrivera à destination.
Peut-être parce que les deux cinéastes se sont partagé la réalisation, que l’un s’est attribué tout ce qui touche à l’enfant et l’autre, tout ce qui a trait aux paysages, le film malgré son histoire très ténue, reste passionnant d’un bout à l’autre. Et même si la réalisation n’a jamais recours au suspens, le film respecte une dramaturgie qui installe presqu’à l’insu du récit, une vraie montée dramatique.
L’échappée de Takara n’aura été qu’une parenthèse dans le cours du déroulement d’un quotidien maussade, une incursion dans un monde poétique où il n’y a habituellement pas de place pour la poésie.
Magnifique.
Francis Dubois
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