En toile de fond du film, une année universitaire à Rennes.

Dans le lot des enseignants et des élèves qui peuplent l’établissement au moment de la rentrée, deux personnages se détachent : Françoise professeur d’Histoire de l’art et Ion, étudiant en géographie.

L’un et l’autre, trop occupés à fuir les fantômes de leur passé, vont longtemps ignorer que leurs destins se sont croisés.

En musique, «  une suite est un ensemble ordonné de pièces instrumentales jouées en concert plutôt qu’en accompagnement « .

Dans le film de Pascale Breton, comme dans la suite au sens musical, les différents moments n’ont pas besoin de se réaccorder pour que les personnages et les situations, dans un constant éclatement narratif, restent en mouvement et nourrissent le récit avec une grande grâce.

Cinéma : suite armoricaine
Cinéma : suite armoricaine

Françoise a quitté une faculté parisienne pour venir enseigner à Rennes. Elle a laissé en chemin un mari amoureux qu’elle est, en réalité, peut-être en train de quitter.

Elle débarque dans la cité bretonne comme une somnambule à la recherche d’elle-même. Elle a troqué le pays de ses origines contre une contrée imaginaire dont elle a fait son sujet d’étude, l’Arcadie

Est-elle venue rechercher en Bretagne les traces d’une enfance demeurée riche de mystère, pour renouer avec la nature et cette flore dont l’étude ou la simple observation l’ont de tout temps passionnée ? Ou bien pour faire le point sur sa vie de femme ?

Ion, lui, cherche à s’échapper définitivement à tout ce qui pourrait lui rappeler une enfance douloureuse auprès d’une mère immature et en perdition.

Ils ont choisi, elle l’histoire du paysage italien derrière lequel elle a pu escamoter ceux de son enfance et lui, la géographie, pour conjurer la menace du » no man’s land ».

Les deux personnages sont comme le recto et le verso d’une même médaille.

La construction du film de Pascale Breton est virtuose et fascinante. Elle abandonne en cours de route des personnages qu’on croyait essentiels au récit pour les retrouver comme un jongleur retrouve sa balle, moitié par un jeu d’adresse, moitié par magie. De la même façon elle laisse en plan une situation engagée qui sera reprise plus tard dans une autre tonalité de récit.

Elle désarticule, éparpille, brouille complètement le jeu de la narration pour mieux lui redonner un équilibre, une autre ossature.

Elle joue avec la fragilité pour mieux consolider. Sa stratégie de construction repose sur la magie du puzzle quand l’ensemble ne trouve le motif définitif qu’au moment où s’encastrent les toutes dernières pièces.

C’est ce procédé de construction qui crée une sorte d’envoûtement, de processus qui embarque comme on se laisserait emporter dans un jeu de vagues successives.

Un film dont on ressort heureux.

Francis Dubois


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