Ricky est un bosseur. Il est motivé par le souci d’apporter le meilleur confort possible à sa famille, sa femme aide-à-domicile dévouée aux personnes âgées qu’elle assiste et ses deux enfants, la sage et mature Lisa Jane, une dizaine d’années et Seb dont la traversée de la crise d’adolescence a fait de lui un rebelle. Après avoir effectué de nombreux boulots dans le bâtiment, comme fossoyeur ou comme assistant paysagiste, Ricky se retrouve une autre fois à la case départ dans l’amertume d’un bilan négatif et le sentiment d’avoir toujours été victime d’injustices.

C’est alors qu’une opportunité semble se présenter avec un travail de livreur à son compte où, à la condition d’acquérir son propre véhicule, il pourra travailler à son rythme et ne dépendre de personne.

Or Ricky ne tardera pas à découvrir derrière les avantages qu’on lui a fait miroiter, une foule de désagréments liés à ce travail avec des journées à n’en plus finir et une tension de tous les instants.

Tant pis, si au bout de compte le couple a la possibilité de devenir propriétaire de son logement.

Mais c’est sans compter sur les règles draconiennes sournoises du travail de livreur, les difficultés à faire face à la révolte de Seb, le rythme exténuant des journées d’Abby depuis qu’elle a été obligée de vendre la voiture qui lui permettait de se déplacer librement.

Les dérives de ce nouveau monde moderne vont avoir des répercussions majeures sur toute la famille et sur l’harmonie d’un couple qui a, jusque là, toujours su faire face à toutes les difficultés….

Cinéma : Sorry, we missed you
Cinéma : Sorry, we missed you

« Sorry we missed you  » est avant tout un film qui dénonce les dangereuses dérives des conditions de travail devenues inévitables si on veut en vivre, sur « l’uberisation » qui se généralise, qui gagne du terrain un peu plus chaque jour et qui fragilise les plus vulnérables.

Ce conditions frappent de plein fouet Ricky qui fonce dans ce système tête baissée, aveuglé par le désir d’offrir une vie décente à sa famille et la possibilité d’un avenir meilleur à ses enfants.

Il ne compte pas ses heures de travail, ne prend pas en compte les conditions d’insécurité qui peuvent résulter de ce surcroît d’activité et surtout il oublie que son acharnement au travail va distendre et compliquer ses liens avec sa famille et finir par détruire ce qu’il avait à cœur de défendre.

Même si elle n’est pas soumise aux technologies modernes dans l’exercice de son travail, Abby subit les mêmes pressions. Elle se heurte à l’incompatibilité entre une grille d’emploi du temps serrée et une conception trop généreuse, trop affective de son travail devenue obsolète.

Le film de Ken Loach dénonce le glissement de la société vers une déshumanisation, une évolution logique du marché induite par une concurrence sauvage visant à réduire les coûts et à optimiser les bénéfices.

On peut lui reprocher de « charger la barque », un scénario boulimique qui réunit un grand nombre de sujets et même si Ken Loach ne laisse rien au hasard, si dans chacun des sujets qu’il aborde, minutieusement documenté, tout sonne juste, leur abondance finit parfois par submerger le propos et le faire basculer plus dans l’anecdote que dans le témoignage…

Avec ce film qui complète une filmographie cohérente et efficace, Ken Loach reste la sentinelle fidèle du cinéma social.

La distribution est impeccable.La direction d’acteurs d’une grande justesse.

Le constat cruel d’un monde à la dérive, le nôtre déjà et, en préparation du pire, celui de demain.

Francis Dubois


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