Le film précédent de Virgil Vernier « Mercuriales » se situait autour des Mercuriales, deux tours jumelles, immeubles de bureaux, à Bagnolet en Seine-Saint-Denis.
«Sophia Antipolis » a pour cadre Sophia Antipolis, une des premières technopoles créée en France
à la fin des années 60, dans l’immédiat arrière-pays niçois, décrit comme un territoire étrange entre la mer méditerranée, la forêt et les montagnes.
Virgile Vernier la montre dans son film comme une image condensée peu engageante de nos civilisations développées.
Le mode narratif de ce film choc sur une vision réaliste de notre époque, agit de telle sorte qu’il est difficile de bien marquer la frontière entre documentaire et fiction.
Conçu sur le fonctionnement du « Marre-à- bout-bout -de-ficelle. .. », il est d’une grande force narrative et d’une exceptionnelle virtuosité dans sa construction.
« Sophia Antipolis » commence avec la légèreté d’un reportage ordinaire dans la cabinet d’un chirurgien esthétique, où de jolies jeunes femmes s’apprêtent sans raison apparente à se faire remodeler la poitrine.
Il se poursuit avec une jeune veuve vietnamienne riche et désœuvrée au moment où elle s’apprête à rejoindre une secte
Et dès ces premières séquences, on comprend ce que le film de Virgil Vernier décrit, montre sans démontrer, sans jamais juger, comme si ce qui est donné à voir était normal quand ça ne l’est pas du tout.
De personnage en personnage, apparaît bientôt comme un personnage de fiction et central du film, celui d’une adolescente dont le corps a été retrouvé calciné.
Bientôt, le récit se tisse autour de Sophia et le portrait de l’adolescente se dessine au détour de la description et des activités ambiguës d’un groupe de vigiles privés, constitué d’anciens délinquants, de flics ou de militaires, tous très inquiétants, une milice auto-chargée qui s’est donné comme mission de défendre les honnêtes habitants de Sophia Antipolis, zone de non droit surtout la nuit.
Avec eux et la détermination aveugle qu’ils affichent, apparaissent des scènes d’une grande violence : comme ces scènes d’entraînement de justiciers sans lois ou encore une séance de bizutage où le novice est collé au plafond…
Magnifique reflet de notre époque, « Sophia Antipolis » nous entraîne dans les zones sombres de notre époque, une ère inquiétante où des êtres égarés, petits héros de leurs vies, errent comme des fantômes à la recherche d’autres fantômes en quête d’un sens impossible à donner à leurs vies.
Mais lorsque le récit se resserre autour du mystère qui entoure le personnage de l’adolescente, Virgil Vernier entre dans une narration limpide bien que résistante aux codes habituels d’une enquête.
L’histoire de Sophia s’éclaire avec le témoignage en voix off d’une fille qui l’a connue, qui débouche sur le portrait attendu d’une toute jeune fille isolée, perdue.
Avec beaucoup de talent, son sens de la construction et une belle audace, il se pourrait bien que le « Sophia Antipolis »de Virgil Vernier devienne le référence cinématographique d’une décennie charnière avec sa violence, ses dérives, ses milices, une mutation inquiétante des bons sentiments et de la définition de la liberté….
Le photo, toute en contrastes pour opposer les noirs agissements à la lumière aveuglante de la côte d’azur. est magnifique.
Francis Dubois
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