Quelque part en Europe (il s’agit sans doute du port d’Hambourg), Younghee a tout laissé derrière elle, une carrière d’actrice prometteuse qu’elle n’est pas certaine de pouvoir reprendre, ses amis et son histoire d’amour malheureuse avec un réalisateur de cinéma marié.

Fidèle malgré elle au souvenir de cet homme dont elle espère qu’il se souviendra d’elle un jour, elle se recueille sur une plage.

A Gangneung, en Corée du sud, Younghee partage un repas joyeux avec des amis. Quelques verres d’alcool suffisent pour qu’elle se révèle cruelle envers ses compagnons et adopte un comportement provocateur en se rapprochant d’une jeune femme qui, tout à coup l’attire.

Plus tard, seule sur la plage, elle se posera la question de savoir comment l’amour et le désir peuvent peser dans un vie.

Cinéma : Seule sur la plage la nuit
Cinéma : Seule sur la plage la nuit

L’image est récurrente de la jeune femme filmée de dos sur une plage devenue synonyme de solitude, d’égarements en pensées, de questionnements multiples.

Au cours de longues promenades dans des paysages hivernaux, au long de rives, elle s’interroge sur ses sentiments et la nature de ses désirs.

La jeune femme est sortie en mauvais état d’une relation malheureuse avec un cinéaste connu. La mésaventure amoureuse pourrait n’être qu’un épisode people mais ici, vu par Hong Sangsoo, cinéaste obsédé par la mise en abyme, l’état de la jeune femme débouche sur une autre perception du réel et de l’intime.

On pourrait trouver une multitude de sens à la moindre séquence du film de Hong Sangsoo, trouver d’évidentes parentés entre une image, une attitude, des moments contrastés de ce film avec des scènes de ses films précédents

On pourrait tout autant prouver que le cinéaste coréen réalise à la fois le même film et à chaque fois des œuvres totalement différentes ou les unes se présenteraient comme le négatif des autres.

On peut laisser flotter les images, les personnages, les situations, les trouver en prise directe avec la réalité ou au contraire les voir dans une totale abstraction…

Les films de Hong Sangsoo, s’ils ont parfois recours à l’anecdote ne sont surtout ni linéaires ni vraiment narratifs.

Son cinéma c’est de l’audace, du culot, des pieds de nez mais c’est aussi et surtout des moments de grâce comme si l’essentiel se jouait dans l’ellipse, le non dit, les interstices d’un pseudo-récit.

Faut-il croire sur parole Younghee et les effets dévastateurs de sa relation malheureuse avec le réalisateur ? A-t-elle été réellement la vedette de l’écran telle que le disent des témoins ? A-t-elle tout à coup une attirance irrépressible pour sa voisine de table à la fin du repas ?

Le charme des films de Hong Sangsoo est dans ces imprécisions, dans ces flottements narratifs, dans ce qui survient et dont on n’est pas toujours très sûr que ça bien eu lieu ou qu’il s’agit de l’imaginaire des personnages.

Le mise en scène est aussi fluide qu’elle peut être heurtée. Les situations peuvent s’enchaîner ou se succéder dans une sorte de chaos…

Un régal pour qui se laisse porter…

Francis Dubois


Bienvenue sur le blog Culture du SNES-FSU.

Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.

Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu