L’Argentine en 1975. Claudio, avocat réputé et notable local, mène une existence confortable à laquelle il tient. Pour cela, il peut lui arriver de fermer les yeux sur les agissements contestables du régime en place. Un soir, alors qu’il attend l’arrivée de sa femme dans un restaurant cossu, il est violemment pris à parti par un inconnu.

Un incident qui pourrait être sans gravité mais qui, dans un second temps, vire au drame.

Claudio va faire en sorte d’étouffer l’affaire en faisant disparaître le corps de l’inconnu mais alors que tout semble être rentré dans l’ordre, ses erreurs le rattrapent…

Cinéma : Rojo
Cinéma : Rojo

L’objectif de Benjamin Naishtat était de faire un film qui reflète le style cinématographique de l’époque mais c’était aussi, en pensant à Francis Ford Coppola, Sydnet Lumet, ou à John Borman qu’il admire, de réaliser un film de genre tout en ne perdant pas de vue, les problèmes politiques sensibles au pays.

Ici, derrière le polar (un avocat qui a fait disparaître le corps d’un homme qu’il a rencontré par hasard est confronté à un policier pugnace), «  Rojo » dresse le portrait de la situation sociale et politique d’un pays où règne le silence, les passe-droit, les complicités douteuses aux heures sombres de son histoire.

Claudio n’est pas un homme méchant mais quelqu’un qui veille à conserver les privilèges que la situation politique du pays lui accorde, à sauvegarder son statut de privilégié capable, dans ce climat perverti, de saisir toute opportunité pour faire du profit.

Et au moment où il pousse jusqu’à un petit arrangement avec lui-même pour enfouir sa culpabilité, l’assassinat qu’il a commis pour reconduire sa vie paisible et confortable et vivre en accord avec lui-même avec son lourd secret, l’Argentine se prépare à une dictature militaire et à un probable génocide.

Au fil narratif de son film qui mène de front le genre policier et le regard politique sur l’état du pays, Benjamin Naishtat ajoute de légers et audacieux décalages qui sont autant d’entorses au réalisme, et une liberté de ton qui aèrent le récit, flirte avec l’exercice de style sans jamais rompre avec l’acuité d’un regard politique et le suspense d’un thriller.

Cet exercice d’équilibre risqué et ici, particulièrement réussi, fait de «  Rojo  » une œuvre parfois insolite, passionnante, haletante et cependant très personnelle.

Les clins d’œil au cinéma des années soixante dix ne manquent pas tels des fondus enchaînés, des zooms ou des ralentis, sans se priver, avec les paysages de désert de certaines séquences, de faire référence au western…

A la fois divertissant et puissant.

Francis Dubois


Bienvenue sur le blog Culture du SNES-FSU.

Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.

Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu