Paris, 1880. Auguste Rodin reçoit enfin, à quarante ans, une commande de l’État. Ce sera « Les portes de l’Enfer» composé de motifs dont certains contribueront à sa gloire, comme «Le Baiser» et «Le penseur» .
Il vit avec Rose, sa compagne de longue date, quand il rencontre la jeune Camille Claudel, son élève la plus douée qui va être son assistante avant de devenir sa maîtresse.
Ils vivront ensemble dix années de passion amoureuse mais aussi d’admiration mutuelle et de complicité.
Après leur rupture, Rodin ira vivre à Meudon où il retrouvera la compagnie rassurante de Rose.
Là, il poursuit son travail avec acharnement, dans une même ligne déterminée.
Il fera face tant au refus qu’à l’enthousiasme que la sensualité de sa sculpture provoque et signe avec son « Balzac» rejeté de son vivant, le lancement incontesté de la sculpture moderne.
Après « Mes séances de lutte » en 2013, Jacques Doillon s’est vu proposer par des producteurs de réfléchir à un film documentaire sur Rodin dont le centenaire de la mort était imminent.
Mais très vite, au fur et à mesure de l’écriture, des scènes de fiction se sont imposées, ont pris de plus en plus de place et il a dû décliner la proposition première des producteurs.
Dès que la première mouture du scénario a été écrite, il a pris contact avec Vincent Lindon à qui le projet a plu et sur son nom, la machine s’est mise en marche.
La dimension physique et sensuelle de «Mes séances de lutte» a fait écho à l’œuvre très charnelle de «Rodin» ..
Le film débute sur la rencontre de Rodin avec celle qui deviendra et restera pendant plus de dix ans,son égérie, sa complice et sa maîtresse.
Le récit présente cette rencontre comme le début d’une période très productive du peintre et même si la reconnaissance tarde à se faire, même si son inspiration créatrice ne fait pas l’unanimité, Rodin gardera une solide énergie et une volonté d’imposer sa sculpture selon sa conception de l’art pictural.
Le film se poursuit, après la rupture avec Camille et les conséquences qu’on connaît, sur son installation à Meudon, la reprise de sa vie commune avec Rose mais de nouveau, la reprise de son attirance pour ses modèles.
Jacques Doillon réalise avec «Rodin » une réelle œuvre de maturité et son film le plus abouti.
Une œuvre à la fois contemplative et passionnée rendue vibrante par l’interprétation de Vincent Lindon, barbu méconnaissable, personnage à la fois monolithique et sensible, offert à tous les doutes mais guidé par une détermination sans failles.
Son «Rodin » est rocailleux et soyeux.
Pour lui donner la réplique, Jacques Doillon a fait appel à deux actrices magnifiques, un choix à la fois contrasté et proche.
Izia Higelin apparaît comme une boule de sensualité avec un jeu d’une belle intensité et d’une joyeuse vivacité, d’une exaltation dont on sent qu’elle peut à tout instant virer à l’orage.
On avait vu Séverine Caneele dans «L’humanité» de Bruno Dumont pour lequel elle avait obtenu un prix d’interprétation à Cannes. Elle avait réapparu dans « La part du ciel» de Bénédicte Liénard, puis chez Tavernier et Yolande Moreau.
Elle revient en force avec le personnage de Rose à qui elle apporte son charisme et sa robustesse .
Le «Rodin» de Jacques Doillon est un film sur l’acte de création. Il pose la question fondamentale de savoir à quel moment l’œuvre d’un artiste atteint sa plénitude.
Francis Dubois
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