Il a fait tous les métiers au hasard de ses voyages, parcouru toutes les routes. Dans son costume noir qui a encore de la tenue, sous son étrange sombrero brodé, chaussé de santiags, son baluchon sur l’épaule, il revient dans son petit village et réinvestit la vieille demeure familiale.

Que signifie ce retour aux sources pour cet infatigable marcheur, ce conteur inépuisable qui tient encore au bout de ses doigts, des tours de magie du temps où il faisait le magicien.

La jeune Ana qui vient lui livrer de la viande qu’il cuit pour son chien et son chat, s’attache très vite au vieil homme qui la fascine, la berce avec les histoires qu’il raconte, toujours le même mélange de

poésie et de fantaisie, et qui la plonge dans un univers peuplé d’êtres surnaturels.

Mais bientôt Silva est pris de violentes crises qui petit à petit, l’affaiblissent et le renvoient au vieil homme qu’il est devenu…

Cinéma : rio corgo
Cinéma : rio corgo

L’idée du film «Rio Corgo» est né du hasard d’une rencontre.

Alors que les deux réalisateurs étaient en repérages dans le village de Sergio da Costa, dans le centre du Portugal et qu’ils faisaient une pause dans un bar, un homme fait son entrée.

Il commande son alcool préféré et réalise des tours de magie avec sa canne secrètement aimantée.

Vêtu d’un costume noir, d’un grand sombrero et chaussé de santiags, il s’est immédiatement présenté comme un personnage de leur film.

Il n’y avait plus, pour les réalisateurs face à une «apparition» qui s’intégrait parfaitement à la trame de leur projet, qu’à l’adapter pour le cinéma.

Dans le film s’articulent la biographie du protagoniste principal et les éléments fantasmagorique nés de son imagination, de ses qualités de conteur et de son talent de magicien.

Et l’éloignement du réel s’impose avec les visions de Silva provoquées par le traitement médical qui lui a été prescrit. Et ces visions sont cinématographiquement représentées de façon artisanale pour coller à l’univers du personnage.

Le récit reste au plus près de la part poétique et onirique qui se cache dans le déroulement des jours et fait de sorte qu’il offre au spectateur de partager l’expérience du quotidien halluciné du personnage de Silva.

Dans sa grande première moitié,le film est contemplatif mais avec une respiration narrative souterraine et passionnante. Il suit les déambulations de Silva dans le village ou à ses abords immédiats. Il l’accompagne dans ses activités les plus ordinaires, ses gestes domestiques, dans ses rares contacts avec les quelques habitants qu’il croise, dans son observation sensible de séquences volées au quotidien comme ce magnifique duo musical, sur un muret, entre un accordéoniste et son chien.

Et dans la dernière partie du film, le rythme s’accélère avec la mort de Silva qui se laisse pressentir notamment avec la scène où, cloué sur son lit d’hôpital, il voit apparaître dans la chambre une dizaine de femmes venant à son secours, sans doute toutes celles qu’il a connues au cours de ses voyages d’autrefois. A partir de quoi, en référence à sa vie passée de voyageur marcheur, on retrouve sa silhouette allant dans d’immenses paysages.

Et le voilà qui retourne d’où il vient, à sa liberté, à la nature qui est son véritable refuge et le film vient au secours de Silva en lui permettant de réaliser un désir qu’il ne peut plus accomplir dans la réalité : s’échapper.

Héritiers directs de Pedro Costa, Joào César Monteiro ou Miguel Gomes ont tiré le meilleur parti et bien au-delà, d’un personnage plongé dans un no man’s land entre quotidien et fantastique. Ils ont su utiliser, en parfaite harmonie avec le propos de leur film, des paysages d’exception, de ces villages à demi désertés et extraire de ces lieux ordinaires tout ce qu’ils cachent de poésie essentielle.

Ils nous amènent, avec simplicité, à nous détacher du naturalisme souvent contraignant pour laisser se déployer notre imagination.

Incontournable!

Francis Dubois


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