Nassim la trentaine vit à Abu Dahbi. Fiancé à une jeune américaine, il décide, après plusieurs années d’absence, de retourner à Bollène, petite ville du Sud-est de la France où il a passé son enfance. Mais ce retour s’avère doublement douloureux. D’une part il doit faire face à son passé mais aussi à sa ville désormais gérée par la Ligue du Sud.
La réalisation de ce film s’est imposée à Saïd Hamich. Elle répondait à une sorte de devoir de mémoire et de témoignage dans lequel se mêleraient l’intime et le politique.
Il y avait un besoin chez lui, une urgence à dépeindre la communauté maghrébine sous un angle inédit au cours d’un récit dont le cœur serait social et loin des représentations médiatiques habituelles.
La force de ce «Retour à Bollène »est dans la virtuosité du scénario à déjouer tous les dangers narratifs qui menacent souvent ce type de sujet : la vie de la communauté maghrébine dans une ville prise sous le joug de l’extrême-droite.
S’il ne manque rien au catalogue des personnages et des situations annoncés par le titre du film : la peinture des membres de la famille marocaine, la mère illettrée, la fratrie partagée entre ceux qui ont réussi et les laissés pour compte réduits au bricolage plus ou moins légal, le face à face de Nassim avec le professeur qui a contribué à la réussite des ses études, autrefois marxiste et aujourd’hui membre actif de la Ligue du Sud, l’état d’abandon des barres d’immeubles à la périphérie de la ville, le désœuvrement de jeunes et le chômage, Saïd Hamich réussit le tour de force d’éviter tous les clichés et de laisser ainsi toute sa force et la part d’émotion à chaque séquence.
Il n’est pratiquement jamais question de la Ligue du Sud mais le poids de sa présence existe à travers de moments à peine esquissés : la population étrangère reléguée à la périphérie de Bollène, forcée de brûler les ordures puisque le ramassage des ordures ne va pas jusque dans les «cités» , la mère maghrébine qui a vu supprimer les cours de français où elle devait s’inscrire suite à la réduction de subventions allouées aux associations de quartier.
« Je ne veux pas être un arabe de Bollène» lance Nassim partagé entre l’attachement à sa famille et le rejet qu’il éprouve pour une communauté qui trouve son dernier repli et sa dernière chance d’identité dans la reconduction des coutumes, un style de vie désuet et un respect obtus de la religion.
Les sujets développés ou simplement esquissés au cours de la parenthèse douloureuse du retour de Nassim à Bollène ne suscitent de sa part aucun jugement . La pudeur de son regard sur un monde sacrifié fait du film de Saîd Hamich une œuvre juste, pathétique sans insistance,
Au final, une franche réussite.
Francis Dubois
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