Trois jeunes lycéens se sont levés avant le petit jour, ont rejoint leur lieu de rendez-vous et sont partis en camionnette vers le bord de mer où ils ont enfilé leurs combinaisons de surfeurs. Ils ont affronté les vagues et un moment plus tard, encore ivres de leur plaisir, il ont repris la route du Havre. Mais une fraction de seconde d’inattention du conducteur aura suffi pour que leur escapade vire au drame. Ses deux camarades s’en sont tirés avec quelques ecchymoses mais Simon, blessé à la tête est dans un coma profond quand les secours l’extraient du véhicule.

Alors qu’il est maintenu en vie artificiellement, ses parents au plus fort de leur désespoir, n’ont que quelques heures pour autoriser ou non le prélèvement des organes et notamment du cœur car au même moment, à Paris, une femme est en attente d’une greffe qui pourra prolonger sa vie.

Cinéma : Réparer les vivants
Cinéma : Réparer les vivants

Après un succès en librairie, le roman éponyme de Maylis de Kérangal a donné lieu à deux adaptations remarquées pour le théâtre.

Celle-ci a dû choisir entre plusieurs propositions d’adaptation pour le cinéma.

Elle a opté pour le projet conduit par Katell Quillevéré et Gilles Taurand et sans savoir ce que les autres cinéastes proposaient, on peut affirmer après avoir vu le film de la réalisatrice de «  Suzanne  » qu’elle a eu mille fois raison de faire ce choix.

Le résultat sur l’écran respecte parfaitement l’essence particulière du roman entre exigence documentaire et puissance émotionnelle et il répond totalement avec délicatesse et pudeur à l’ambition humaniste de l’histoire.

La difficulté de l’adaptation de ce roman était surtout dans le fait qu’il s’agissait de faire vivre (exister) une douzaine de personnages sur une durée de vingt-quatre heures.

Le récit n’allait pas plus être une chronique qu’une œuvre chorale mais un film de relais avec cela de particulier qu’il fonctionne sans personnage principal.

Et le tour de force est que dans «  Réparer les vivants « , chaque personnage jusqu’au plus secondaire, trouve sa place et devient dans l’urgence du récit, non pas une silhouette, mais un être complet.

Car c’est à la seule condition que chaque personnage soit parfaitement défini que chacun puisse devenir le maillon d’une chaîne suspendue entre la mort et la vie.

En évacuant les enjeux narratifs attendus : « Simon va-t-il mourir » – « les parents vont-ils accepter le prélèvement d’organes » – « qui va recevoir le cœur de Simon et la receveuse va-t-elle vivre ? », Katell Quilléveré distille dans le récit une temporalité affective plus profonde.

Au lieu de respecter les digressions temporelles du roman, elle laisse de côté l’intériorité des personnages pour les faire exister dans un pur présent à travers leur environnement, leurs réactions, leurs gestes, leurs mots.

Elle fait exister les personnages avant qu’ils n’entrent dans le récit, dans un film qui, en empruntant des chemins de traverse, prend son temps plutôt que de jouer contre la montre.

On se trouve alors dans une temporalité presqu’abstraite avant de replonger dans les enjeux vitaux et médicaux.

Le film que Katell Quilléveré et Gilles Taurand ont écrit est magnifique.

Il est une pleine réussite d’équilibre au point même qu’on pourrait dire qu’une image de plus ou de moins ou une réplique auraient déstabilisé l’ensemble mais qu’à cause du bon dosage, il triomphe de tous les dangers qui guettaient et notamment l’apitoiement, la sensiblerie dont on est très éloigné.

On n’est pas prêt d’oublier les séquences d’ouverture du film, les explosions de vie des jeunes gens, ni dans les remous de la mer houleuse où ils de laissent emporter, l’illustration de la mort qui survient lorsque qu’à l’image, e revêtement de le route sous l’effet de l’endormissement du conducteur de la camionnette, devient surface liquide.

Et Thomas, le jeune interne peut, pour trouver l’apaisement, écouter le chant d’un chardonneret sans faire sourire.

Le pari est gagné…

Immense !

Francis Dubois


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