Aujourd’hui Alassane Diago, est devenu un adulte, réalisateur de films. Il décide d’aller à la rencontre de son père qui les a abandonnés, sa mère et lui, sans avoir crié gare, les laissant subitement sans nouvelles et sans ressources. Le père a refait sa vie et construit une autre famille au Gabon et Alassane Diago ne l’a plus revu depuis de nombreuses années. Il revient vers lui à la fois comme un fils qui revendique des explications sur un comportement défaillant de père démissionnaire mais aussi comme un cinéaste qui veut faire un film sur le sujet de l’abandon de sa famille.
Après avoir réalisé un premier film « Les larmes de l’émigration » qui a été présenté à Africadoc, Alassane Diago est retourné au village pour s’entretenir avec sa mère qu’il n’avait pas revue depuis deux ans et la filmer. Une fois passée la difficulté de lui imposer de se confier face à une caméra et de toucher à des choses très intimes, il lui fallait admettre d’aborder l’inconcevable : remettre en question le choix d’un père quel qu’il soit, fut-il d’abandonner sa famille.
Un long monologue de la mère ouvre le film qui consiste surtout à trouver des circonstances atténuantes au comportement de son époux. Et ce qui ne devait être au départ qu’une séquence d’essai, allait devenir la séquence d’ouverture de « Rencontrer mon père »
Dès le début, Alassane Diago sait qu’il réalisera un documentaire sur le sujet, mais au fur et à mesure que le projet avance, apparaît de plus en plus mince la frontière entre le documentaire et la fiction et s’il allait faire le choix d’une fiction, ce serait avec des personnages réels dans des décors
réels. Une fiction qui prend sa source et se nourrit du réel.
Son histoire personnelle, l’absence du père qui est parti ont hanté toute l’enfance du cinéaste et sont devenues petit à petit source d’inspiration. Cette histoire douloureuse d’abandon allait se doubler du sujet de l’émigration et évoquer le phénomène migratoire à partir de sa propre histoire. Elle reviendrait finalement à parler de l’émigration de façon universelle, les méfaits de l’émigration étant un sujet qui dépasse de loin le Sénégal, la Mauritanie ou le Mali.
Le père d’Alassane Diago appartenait à une population nomade, les Peuls, qui vivait essentiellement de l’agriculture et de l’élevage. Cette population s’est vu frapper, dans les années 70-80 par une sécheresse qui allait détruire les cultures et décimer le bétail, poussant les ruraux à une émigration sub-régionale vers l’Afrique Centrale, le Zaïre, le Congo ou le Gabon connus pour leurs mines d’or et de diamants.
Mais parmi ces émigrés, peu d’entre eux réussissent à faire fortune et lorsqu’ils n’y parviennent pas, il préfèrent mourir que de reconnaître l’échec et de retourner bredouilles au pays.
Le réalisateur découvrira ainsi les vraies raisons pour lesquelles son père n’est jamais revenu au village…
Le film quitte bientôt les limites du documentaire pour découvrir la réalité des personnages, des situations, développer une réalité douloureuse et déboucher sur toute l’émotion qui peut en découler.
Francis Dubois
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