Depuis la mort de son mari, Deng occupe seule l’appartement où elle a passé la majeure partie de sa vie.

Pour combler le vide dû à son veuvage, elle se montre, à soixante-dix ans, très active.

Elle ne se contente pas de rendre visite quotidiennement à sa vieille mère dans sa maison de retraite. Elle s’occupe de son petit fils et se charge des repas de ses deux enfants, l’un marié et l’autre célibataire chez qui elle surgit sans s’annoncer, sans se rendre compte que son comportement est intrusif.

La vie de Deng se trouve subitement bouleversée le jour où elle commence à recevoir des coups de fil anonymes.

Dès lors, elle a l’impression d’être épiée et suivie au cours de ses allées et venues quotidiennes.

Cinéma : red amnesia
Cinéma : red amnesia

Deng a vécu la proclamation de 1949 de la République populaire et a vu la Chine basculer dans le communisme. Cette génération s’est faite à travers des successifs mouvements politiques qui ont marqué l’histoire du pays.

Après « Shangai Dreams  » et «  11 fleurs  » Wang Xiaoshuai a souhaité faire un troisième film sur le « 3ème Front ».

Dans les années 60, quand les relations sino-russes se sont dégradées, Mao a pris la décision de déplacer les complexes industriels et militaires originellement implantés sur les côtes et sur le nord-est, vers les zones enclavées et montagneuses.

Des millions de travailleurs qui ont suivi ces usines représentent le plus grand exode du 20ième siècle et en quelques années, « le troisième front » devient le fleuron de l’industrie de la République Populaire.

Rares ont été les familles qui ont pu réintégrer leur ville d’origine.

Deng n’a sans doute jamais mesuré l’étendue des dégâts qu’a provoqué cet épisode douloureux pour de nombreux chinois.

Les coups de téléphone qui se multiplient alertent les deux fils de Deng. Chacun a son interprétation de ce harcèlement. Les appels sont-ils liés à des irrégularités qu’aurait commis l’un d’eux dans l’exercice de son travail ou bien sont-ils le faits de jeunes voisins en mal de mauvais farces.

Deng en arrive à penser que ce sont des actes émanant de fantômes.

Mais ces explications ne seraient-elles là que pour reculer le moment de se confronter aux vraies raisons liées à une ancienne culpabilité.

Le film de Wang Xiaoshuai bénéficie d’une construction virtuose.

Le premier tiers de «  Red amnesia  » suit Deng dans les multiples activités de ses journées de façon réaliste. Il présente le personnage comme une femme à la personnalité bien trempée et forte de ses certitudes.

Les coups de fil anonymes introduisent un malaise grandissant qui va finir par occasionner un déséquilibre dans une vie réglée et le basculement vers le fantastique se fait dans une grande fluidité.

Le dernier tiers du film renvoie Deng à un passé qu’elle avait enfoui jusqu’aux séquences finales où elle est confrontée au drame et où son regard semble poser la question : « Qu’est-ce qui est arrivé ? »

L’histoire de Deng s’inscrit dans les œuvres qui évoquent les dégâts de l’Histoire dont a été victime le peuple et dont le désordre économique actuel est dû à l’absence d’une reconnaissance d’erreurs passées.

Francis Dubois


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