Dans la banlieue de Birmingham, dans les années 80. Ray, Liz et leurs trois enfants mènent une existence improvisée au jour le jour et anarchique entre désordre et résignation…

En trois épisodes qu’il a construits sur ses souvenirs et sur trois époques différentes, le photographe et cinéaste Richard Billingham revient sur ce qu’a été le quotidien d’une famille, la sienne, dans laquelle il a grandi comme il a pu.

Cinéma : Ray & liz
Cinéma : Ray & liz

Dans les années 90, Richard Billingham expose à la galerie Saatchi à Londres, sous le titre « Sensation », des photographies représentant son père alcoolique et sa mère, tatouée et colossale.

En 1996, il élargit son sujet en y incluant des images d’animaux dans les zoos et des paysages de la campagne anglaise, d’Éthiopie et du Pakistan.

Le premier long métrage de cet artiste atypique est une méditation sur les thèmes de la solitude, de la négligence parentale et du harcèlement, avec des acteurs complices qui s’emploient à reconstituer les épisodes traumatiques d’une enfance chaotique.

Bien qu’il ait été étiqueté comme un artiste voyeuriste et sensationnel de l’ère Tatcher, Billingham se définit lui, comme un artiste dont la motivation est de recréer de manière fidèle un monde dont il a été l’acteur et le témoin.

Même si tous les moments du film ont été inspirés par les vrais souvenirs d’une enfance sans structure, «  Ray et Liz » qu’on peut considérer comme une étude sociale proche des univers des films sociaux anglo-saxons à la Ken Loach s’en démarque par la forme, une esthétique, une poésie qui, sans démentir le réalisme de la peinture sociale d’une famille marginale et fonctionnant hors des règles, s’en évade partiellement.

Il y a une sorte d’élégance dans la façon qu’a Richard Billingham de traiter la vulgarité, les négligences et incivilités des personnages, l’abus d’alcool, la désordre, la saleté, une sorte de dignité émergeant de toutes les situations scabreuses.

Pendant qu’obéissant à une pulsion inadmissible, un personnage asperge de thé brûlant une perruche dans sa cage, la mère ajoute au puzzle sur lequel elle est penchée, la pièce manquante.

« Ray et Liz » réinvente le monde méprisable d’  « Affreux, sales et méchants  » ou l’on se vide les poches les uns les autres et où on peut verser dans la bouche ouverte d’un père ronfleur, une cuiller de piment en poudre.

Mais s’il dépeint un monde à la dérive, Richard Billingham le fait en esthète et les murs léperosés, les papiers peints rongés par l’humidité, les éviers débordants de vaisselle sale, présentent sous son regard des signes de dignité.

« Ray et Liz » est l’œuvre d’un artiste soucieux de restituer à un quotidien médiocre et à des individus sans grâce, leur part de dignité.

Une œuvre hybride pathétique et généreuse.

Francis Dubois


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