Florence est une jeune professeure des écoles passionnée par sa mission, dévouée à chacun de ses élèves dont elle veut qu’il soit le mieux armé pour l’avenir.
Ses élèves de CM 2 sont d’origines sociale et ethnique très variée et elle compte, parmi eux, Denis son propre fils.
Le jour où Sacha vient en « dépannage » dans sa classe, elle ignore encore que ce garçon égaré dans un monde d’adultes défaillants et qui masque sa souffrance derrière des démonstrations de violence, va l’amener à reconsidérer sa vie de mère, de femme et même un temps, faire chanceler sa vocation.
Car Florence a la modestie de croire qu’on est en position d’apprentissage toute sa vie et qu’un enseignant peut apprendre beaucoup de ses élèves.
Hélène Angel et ses scénaristes savent ce dont ils parlent. Ils semblent connaître à ce point leur sujet que le film est, ce qui reste rare, un sans-faute sur le fonctionnement d’une école depuis un parfaite restitution d’une classe en mouvement, d’une cour de récréation, d’une sortie d’école, d’un bureau de directeur ou d’une salle de conseil de maîtres.
Les « acteurs » de l’école sont tous parfaitement rendus, depuis le personnage de Florence que l’interprétation magistrale de Sara Forestier tient à distance de tout cliché jusqu’à l’auxiliaire d’éducation, parent pauvre de l’équipe éducative, en passant par le gardien de l’école et les autres enseignants qui parfois, par leur comportement, rappellent qu’ils n’ont jamais quitté l’école de leur vie.
La partie « documentaire » du film est totalement réussie. Il s’agissait pour la réalisatrice de savoir passer de l’authentique reconstitution du milieu scolaire aux épisodes plus romanesques qui serviraient de fil rouge et seraient l’occasion d’aller plus avant dans la vie de chacun.
Contrairement à l’enseignant que Nicolas Philibert montrait dans son film « Être et avoir » (qui était un gentil divertissement mais une supercherie sur le plan pédagogique) la professeure des écoles d’Hélène Angel n’est ni une utopiste ni une révolutionnaire de la pédagogie. C’est une enseignante traditionnelle qui n’hésite pas, pour apprendre à lire à l’une de ses élèves, à recourir à un vieux manuel de la méthode syllabique.
Il faut remonter à « La vie d’Adèle » d’Abdelatif Kechiche dans lequel Adèle Exarchopoulos incarnait une maîtresse de maternelle totalement vraisemblable ou à Laurent Cantet dans « Entre les murs » pour retrouver une telle authenticité de regard sur l’école et sur une classe.
La justesse avec laquelle est décrit le milieu scolaire, microcosme fermé surtout pour les enseignants et leur famille qui habitent un logement de fonction, n’est pas le seul atout du film d’Hélène Angel.
Autour de Florence que sa passion pour son métier enferme doublement dans les murs de l’établissement, elle fait graviter, avec précision et profondeur, des personnages qui, qu’ils soient au premier plan de l’histoire ou qu’ils y apparaissent ponctuellement, sont tous d’une authenticité criante. Les implications et les doutes croisés de chacun tissent une histoire globale prenante où la rugosité naturelle de l’existence est confrontée au potentiel généreux de chacun.
Les personnages des enfants sont particulièrement soignés. Enfant du divorce, Denis est partagé entre partir avec son père vers l’île de Java et rester auprès de sa mère, entre les murs de l’école où même son animal de compagnie appartient à la communauté.
Sacha est un préadolescent privé de tout repère adulte qui dissimule son appétit d’amour derrière une carapace de destruction, de refus systématique de toute main tendue et de violence.
Personnage extérieur à l’école, volubile et troublant, Mathieu, le référent occasionnel de Sacha, vient en décalage dans l’histoire et y apporte une bouffée d’oxygène.
« Primaire » est un film magnifique, ciselé, généreux et rugueux. Une pure réussite.
Francis Dubois
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