Claire Simon a accompagné avec l’aide de leur professeur de lettres, dix élèves de « première option cinéma » du lycée Romain Rolland d’Ivry pendant une année, dans une approche de l’image et des techniques cinématographiques.
L’objectif de ce stage était, après une initiation au cinéma, de réaliser un court métrage de fiction dans lequel les élèves feraient l’acteur et participeraient techniquement à tour de rôle, à la fabrication du film.
Dans un premier temps, Claire Simon a filmé les élèves individuellement et face caméra avec comme consigne d’orienter leur propos sur le thème de la solitude.
Claire Simon pensait qu’ils parleraient d’amitié ou de leurs premiers émois amoureux.
Or, le propos est allé du côté de la famille, des difficultés de relation avec les parents, souvent divorcés et en mauvais terme, des relations conflictuelles à l’intérieur des couples ou dans les rapports parents-enfants.
Très vite, après un essai de montage de ces témoignages plutôt infructueux, Claire Simon a eu l’idée de regrouper les participants par deux ou par trois sur un sujet libre autour des thèmes récurrents qui étaient apparus dans la première phase de travail, l’un rebondissant sur le récit de l’autre.
Claire Simon a réussi, sur l’adolescence, sujet de tous les dangers, à réaliser un film d’une grande justesse sans doute parce qu’elle a laissé aux participants, après des consignes de départ, la bride sur le cou et parce qu’elle a orienté les dialogues autour de l’écoute de l’autre et de cette façon, évité les principaux écueils inhérents à l’exercice, le cabotinage, le narcissisme ou le ton insistant de la confession.
Contrairement à ces autres documentaires où l’un des intervenants prend le pas sur les autres et devient le personnage saillant, ici, pas de vedette mais une dizaine d’adolescents tous « logés à la même enseigne » et chacun livrant soit par la qualité de son écoute soit par la liberté de son propos, les grandes lignes de sa personnalité.
Les espaces sont ici très resserrés : devant une fenêtre en salle d’études, dans un couloir, au pied d’un escalier, sur un parapet qui surplombe la ville.
Le tournage pendant les week-end ont amené le film à sortir du cadre du lycée. Ces échappées donnent lieu à des séquences particulièrement saisissantes comme celle du supermarché, du café parisien de l’île Saint-Louis où Manon a grandi et revient en pèlerinage avec sa copine pour lui entendre dire que ce quartier où elle a grandi (à une époque où sa famille baignait dans l’aisance) que Paris, c’était plus beau qu’Ivry.
Le film de Claire Simon particulièrement abouti cinématographiquement, ne déborde pourtant jamais la modestie de son objectif premier.
Il est de bout en bout, le résultat d’un travail dont on ressent qu’il été vraiment collectif, qui a accordé une large part aux jeunes participants et donné priorité à l’écoute, à un propos livré à leur totale spontanéité, au risque de le livrer parfois à une coloration anodine et à la maladresse du novice en révélation sur soi-même.
Un vrai film sur l’adolescence, sur un état des lieux, sur une époque où un passé déjà chargé se mêle à des questionnements du futur incertain.
Francis Dubois
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