Cédric, qui a vingt ans passés, vit toujours sous le toit de ses parents.

C’est un être aux réactions parfois étranges, imprévisibles, en tous cas c’est un garçon « différent ».

Si dans le courant du récit, il n’est jamais dit de quel trouble il souffre, on peut supposer qu’il s’agisse d’autisme ou de schizophrénie.

Mais Cédric est-il différent, atteint de troubles psychiques ou simplement est-ce un marginal profond ?

Ses réactions contrastées interrogent.

Son propos, son regard sur les autres et sur le monde, dérangent. Peut-être parce qu’ils ciblent

juste, qu’ils vont chercher chez chacun ses points les plus vulnérables.

Cinéma : Préjudice
Cinéma : Préjudice

A l’occasion d’un repas de famille au cours duquel sa sœur Caroline va annoncer qu’elle attend un bébé et alors qu’une fois la révélation livrée, la nouvelle réjouit chacun autour de la table, celle-ci sera pour Cédric, le déclencheur d’un psychodrame.

Cédric semble avoir dès lors décidé d’établir aux yeux des autres, le « préjudice » qui a toujours fait de lui une victime.

Le jeune homme n’aura de cesse, au cours du repas, non pas de jouer les trouble-fête mais d’être l’élément dérangeant. Par son attitude, ses questions, son insistance à pousser chacun dans ses retranchements, il va finir par créer, sinon un sentiment de danger latent un empêchement

pour le reste de la famille à se laisser aller au plaisir des retrouvailles et de l’annonce de Caroline.

Mais le scénario ne laisse pas Cédric être le seul responsable des tensions et de l’atmosphère tendue qui s’installent dans la maison, même s’il en est l’élément moteur. D’autres éléments interviennent comme le retard du frère aîné dont l’épouse est sans nouvelles ou le regard insistant que Cédric pose parfois sur sa belle-sœur dont il semble être secrètement amoureux, ou la menace qui pourrait bien planer autour du petit benjamin de la famille quand on le voit déambuler seul dans la maison ou qu’on le retrouve empêché de quitter une pièce où il s’était enfermé, faute de loquet à la porte.

Il y a également le mutisme du père dont on peut imaginer qu’il est malade ou que la forte personnalité de son épouse a fini par le laisser retranché dans le silence…

Antoine Cuypers et son complice au scénario Antoine Wauters ont imaginé une construction dramatique virtuose, précise et efficace, qui trouble les limites entre la normalité des relations entre les protagonistes au cours d’une réunion de famille et les légères dérives particulièrement incisives.

Les dialogues et plus encore ceux qui reviennent au personnage de Cédric, sont ciselés et d’une redoutable précision.

Ces atouts de l’écriture sont relayés par l’interprétation. Thomas Marchal qui joue sur l’ambiguïté de son personnage, sur » le jeu à l’intérieur du jeu », réussit une composition magistrale. Nathalie Baye est superbe entre force et vulnérabilité.

Pour ce film où tant de choses se passent dans les regards, Antoine Cuypers a réuni une distribution magnifique.

On pense à Bunuel, bien sûr à Thomas Vinterberg (« Festen »); on pense aussi à Pialat mais on pense surtout à Antoine Cuypers qui réalise une œuvre personnelle et réussit avec ce premier long métrage, un coup de maître.

Francis Dubois


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